La flambée des prix des denrées alimentaires provoque des émeutes dans le monde. La lutte contre la pauvreté a reculé de sept ans. Les pays riches se mobilisent pour pallier les besoins les plus urgents et préparer l'avenir. Les biocarburants seraient la goutte d'eau qui fait déborder le vase dans un contexte de déséquilibre de l'offre et de la demande.
La situation en Haïti, où le gouvernement est tombé samedi après une dizaine de jours d'émeutes de la faim, illustre la nécessité de mesures pour faire face à la hausse des prix des denrées alimentaires dans le monde entier. Selon la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, plus d'une trentaine de pays seraient directement menacés. L'ensemble des prix alimentaires mondiaux a bondi de 83 % au cours des trois dernières années. Pour le blé, la hausse atteint 181 %. Les causes de cette flambée des prix alimentaires sont désormais identifiées.
Tout d'abord, la hausse spectaculaire de la consommation dans plusieurs grands pays émergents, comme la Chine ou l'Inde. À cela s'ajoute l'essor des agrocarburants. Cette année, un quart de la production de maïs des États-Unis a par exemple servi à produire des biocarburants. Dans le même temps, plusieurs accidents climatiques ont réduit les stocks.
Du coup, la spéculation, phénomène nouveau dans l'agriculture, bat son plein. La Banque mondiale a décidé hier d'octroyer une aide de 10 millions de dollars à Haïti pour aider le gouvernement à répondre à la crise alimentaire.
Les biocarburants, un temps présentés comme solution miracle face à l'envolée des prix du pétrole, n'ont plus la cote. En raison des conséquences négatives de leur production pour l'environnement avec la déforestation, et pour l'alimentation avec la flambée des prix, ils sont même de plus en plus contestés.
Certes, les biocarburants n'expliquent pas tout. Les économistes s'accordent à dire que l'envolée des prix des denrées alimentaires se justifierait avant tout par le déséquilibre de l'offre et de la demande, en particulier par la hausse de la demande alimentaire dans les pays émergents comme la Chine ou l'Inde. À cela s'ajoute le contexte d'accidents climatiques à répétition, ce qui fait baisser les stocks.
Du coup, la spéculation, notamment sur les échanges de céréales, bat son plein, phénomène nouveau dans l'agriculture. Bref, les biocarburants seraient la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est aussi le point de vue que défend le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, alors que la production de biocarburants, notamment de l'éthanol tiré de la canne à sucre, prend une importance grandissante dans l'économie du Brésil. " Ne me dites pas que les biocarburants provoquent la hausse des prix " alimentaires, s'écrie Lula.
Et d'ajouter : " Aujourd'hui, il y a plus de gens qui mangent. Les Chinois mangent, les Indiens mangent, les Brésiliens mangent et les gens vivent plus longtemps. " En clair, c'est le nombre croissant de bouches à nourrir qui provoque la hausse des prix.
UN DESTRUCTEUR D'ECOSYSTEMES
L'Union européenne a l'intention de porter à 10 % l'incorporation des biocarburants dans les essences classiques à l'horizon 2020. Mais ce projet bas de l'aile en raison du bilan écologique peu glorieux du développement des biocarburants. À ce titre, l'expérience indonésienne est évocatrice.
Cet archipel est devenu le premier producteur mondial d'huiles de palme, en rasant d'immenses forêts naturelles, notamment sur tourbières, un écosystème très spécial composé d'une accumulation de matières organiques. Une forêt sur tourbière contient 30 fois plus de carbone qu'une forêt humide normale et la transformer en plantation conduit à libérer les énormes quantités de carbone stocké dans le sol. Une étude publiée dans le magazine Science a conclu qu'il faudrait 840 ans aux biocarburants tirés des plantations sur tourbières d'Indonésie pour effacer la " dette en carbone " générée par la transformation de ce milieu naturel.
L'Indonésie s'est d'ailleurs hissée en quelques années du 21e au 3e rang des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, juste derrière les États-Unis et la Chine. En tout cas, la présidence slovène de l'Union européenne envisage de demander aux États membres de l'Union européenne une réflexion renouvelée sur les agrocarburants.
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