Le petit monde des compteurs est sous le choc: l'un des rares grands fabricants non encore coté, le centenaire allemand Elster, qui avait choisi de s'introduire à la Bourse de New York, a finalement fixé jeudi un prix d'émission inférieur de 30% à ses espérances initiales. Et pour son premier jour de cotation, l'action n'a gagné que quelques points. Elster, basé à Essen, l'un des leaders mondiaux surtout de compteurs d'eau et de gaz, espère bien comme ses grands rivaux Itron, Landis+Gyr et General Electric profiter du boom des compteurs intelligents, et il comptait sur ce moteur pour attirer les investisseurs.
Il a en fait donc mis en vente 16,2 millions d'ADS (certificats de dépôts, équivalant à des actions pour les non-américains), dont 13,4 millions de titres nouveaux et 3 millions vendus par des actionnaires, à 13 dollars pièce, contre 16 à 18 dollars visés au départ. Au soir du premier jour de cotation, l'action valait 13,80 dollars. Pour compenser ce prix plus bas, le groupe allemand a vendu davantage que les 10,3 millions de nouveaux titres prévus initialement. Il a ainsi levé 167 millions, pas ssi loin des 165 à 185 millions de sa prévision.
Surfer sur la vague du smart
Ancêtre du secteur, né 1848, Elster a déjà posé 200 millions de compteurs (de gaz, d'eau, et d'électricité) dans 130 pays, pour moitié des compteurs à gaz. Mais s'ouvre maintenant l'immense nouveau marché des compteurs intelligents, aux Etats-Unis où le gouvernement Obama consacré 3,4 milliards de dollars de subventions l'an dernier pour aider à leur déploiement, en Europe où une directive de Bruxelles les impose (France, Espagne et Grande-Bretagne en tête) ainsi qu'en Chine. Selon l'institut Pike Research, 200 millions de compteurs intelligents seront posés dans le monde d'ici 2015, et pas seulement d'électricité.
Les compteurs intelligents représentent déjà pour Elster 26% de ses recettes 2009, contre 19% en 2008. Aux Etats-Unis, le groupe a pour clients de grandes compagnies régionales et en Europe il est, avec Itron, l'un des fabricant du pilote de compteur à gaz intelligent de GrDF. Il vient aussi de remporter un contrat pour des compteurs combinés eau-gaz-électricité en Floride et un autre pour des compteurs eau-électricité dans le Tenessee.
Rentabilité faible
Mais au 1er semestre, ses recettes ont baissé de 1%, à 831 millions de dollars, et son bénéfice net s'est réduit à 19 millions, amputé par des coûts opérationnels et financiers, reflet de sa lourde dette. Son chiffre d'affaires avait déjà baissé de 11% sur l'année 2009 à 1,7 milliard car la crise avait ralenti le déploiement de nouveaux compteurs dans plusieurs pays. En revanche son bénéfice annuel 2009 avait affiché 52 millions, contre une perte de 87 millions en 2008, également provoquée par ses dettes. Le groupe a cependant constaté une reprise de son carnet de commandes depuis quelques mois. Cela n'a pas suffi à rassurer les investisseurs, inquiets entre autres de la concurrence de compteurs chinois à bas prix. Cette introduction peu brillante est un douche froide pour un secteur du smartgrid qui est pourtant le plus effervescent de tous les domaine des cleantech actuellement.
Plusieurs autres jeunes sociétés de ce secteur veulent elles aussi entrer en Bourse, mais elles se sont précipiteés sur l'aspect logiciel, délaissant les compteurs eux-mêmes, où la concurrence de prix est féroce et qui sont souvent considérés comme un produit de masse à faible valeur ajoutée, une "commodité" . La déconvenue d'Elster pourrait donc ne déprimer la jeune société Silver Spring Networks, star américaine du secteur des systèmes de transmissions et logiciels pour compteurs intelligents, qui envisage une introduction peut-être cet automne. Et les rumeurs vont bon train sur une possible introduction de GridPoint, pilier du secteur des logiciels pour économiser l'énergie. En revanche son grand rival suisse Landis+Gyr ne risque pas de tenter la Bourse de si tôt - il a d'ailleurs levé 100 millions de dollars l'an dernier.
C'est un secteur où les grandes manœuvres s’accélèrent, y compris chez les poids-lourds, comme l’illustre la récente alliance annoncée entre Cisco et le leader mondial des compteurs Itron, qui cherche à s'allier au plus forts sur la partie logicielle qui lui manque, ainsi que la série de fusions-acquisitions dans le secteur. La dernière en date, cette semaine, a vu le rachat du spécialiste de la maîtrise de la demande d'énergie CPower par la compagnie américaine Constellation.
Publié par GreenUnivers • vendredi 01 octobre 2010 à 22:26