La course au réseau intelligent ne se résume pas aux simples aspects technologiques et matériels. Il s'agit également, sur le plan humain, de préparer le terrain auprès des futurs utilisateurs de ce système en gestation. Car il va de soi que le succès du réseau intelligent reposera essentiellement sur l'utilisation qui en sera faite... Dans ces conditions, que faire ? Quand et par où commencer ? Par qui ? Avec quels moyens ?
Le réseau intelligent... et les Hommes ?
Le compte à rebours de l’utilisation quotidienne d’un réseau électrique rendu intelligent a commencé : d’un point de vue technologique, en France, le réseau intelligent est déjà une réalité.
ERDF expérimente les compteurs communicants en Touraine et dans la région lyonnaise ; la CNIL s’empare du sujet de la protection des données des utilisateurs des futurs réseaux intelligents…
Le déploiement de systèmes de comptages communicants représente une étape structurante de la transformation des réseaux électriques en réseaux « intelligents », même si l’on pourrait dater les prémices des réseaux intelligents des années 1960-70, avec l’utilisation en France de la norme Pulsadis pour piloter des équipements électriques. Comme pour toute étape de rupture, la passion, les interrogations et parfois la polémique sont au rendez-vous. Aussi entend-on depuis peu des critiques concernant la fiabilité d’un prototype ou l'existence d'un bogue sur un compteur de nouvelle génération en situation de test. Ces dysfonctionnements sont des manifestations « normales » de cette étape - rappelons-le - expérimentale, essentielle à la mise en place progressive d’un réseau intelligent. Mais s’il ne fait aucun doute que les bases de l’infrastructure nécessaire au développement d’un réseau intelligent sont lancées sur le plan technologique, le sujet n’est probablement qu’effleuré sur le plan humain et sociétal.
La mutation des réseaux doit aussi être abordée à l’aune de l’humain
Les réseaux intelligents visent à offrir de nouvelles réponses à la gestion de l’équilibre entre offre et demande d’électricité, en apportant entre autres de nouveaux moyens de maîtrise de la consommation. Le consommateur est donc ipso facto au cœur de la notion de réseaux intelligents et la marche vers ceux-ci dépendra nécessairement de l’adhésion et l’implication du consommateur. C’est pourquoi les signaux de contestation perçus actuellement doivent être pris au sérieux. On ne peut pas se permettre de laisser courir le risque que le consommateur n’adhère pas au système actuellement en préparation pour ne pas obérer le devenir des réseaux ; bien au contraire, en l’aidant à devenir consomm-acteur de sa consommation d’électricité, on lui permettra de profiter au mieux de son environnement électrique, y compris dans ses nouvelles applications (les voitures électriques, par exemple), au bénéfice de sa facture d'électricité… et pour le bien commun !
Comment créer des conditions favorables à l’acceptation par les consommateurs des nouveaux rapports à la consommation d’électricité induits par les réseaux intelligents ?
On n’a probablement pas encore identifié tous les éléments qui permettront d’emporter l’adhésion du consommateur. Mais il paraît évident que les éléments suivants seront structurants : offres commerciales des fournisseurs d’électricité, créativité des équipementiers, communication et information des consommateurs sur les différentes options possibles, incitations à consommer propre et « intelligent », facilitation de l’autoproduction… et, pourquoi pas, un système de rémunération (et non pas de subvention) des surplus d’énergie propre inutilisés, produits par des particuliers. Tout nouveau service économiquement viable est aujourd’hui envisageable. Quoi qu’il en soit, il incombe désormais aux différents acteurs du marché de l’électricité de proposer des scenarii pour réinventer notre façon d’envisager la consommation d’électricité.
Fournisseurs, commerciaux, équipementiers, gouvernement, élus, gestionnaires de réseaux, associations… à l’œuvre !
L’enjeu réside en la capacité du marché à proposer aux consommateurs les solutions et offres répondant à leurs aspirations et préoccupations profondes. Là encore le sujet reste à creuser, mais il est certain que l’une des clés consiste à montrer au consommateur où sont ses gains. Car ils existent. Plutôt que de polémiquer sur le coût des compteurs communicants pour les particuliers, l’on aurait plutôt intérêt à rendre explicite et compréhensible la palette des possibilités que leur offrent ces compteurs.
Au-delà de l’aspect financier, les nouvelles technologies et les mécanismes de marché associés aux démarches réseaux intelligents doivent être rendues faciles de compréhension et de manipulation. Les expérimentations centrées sur cette problématique, tel le projet Olympic Peninsula piloté par le Pacific Northwest National Laboratory aux Etats-Unis, montrent des résultats prometteurs. Dans ce type d’expérimentation où les économistes imaginent des mécanismes simples et à effets directement perceptibles par le consommateur, où les industriels travaillent sur l’ergonomie des energy box, les particuliers enthousiastes jouent en ligne à « comment mieux maîtriser sa consommation ». Ce sont autant d’actions qui contribuent à préparer le consommateur aux évolutions à venir. En France, les réseaux intelligents sont encore un sujet de spécialistes sur lequel la plupart des consommateurs demeurent peu, partiellement… ou partialement informés. Leurs craintes sont donc légitimes, qu’elles soient liées à des notions de performance ou de coûts.
Or le champ ouvert par les réseaux intelligents est vaste et riche. Il pourrait permettre d’établir des relations gagnant-gagnant entre tous les maillons de la chaîne électrique.
Mais pour que cela se produise, les efforts des parties prenantes doivent se concentrer, en grande partie, sur les consommateurs « résidentiels » : étudier minutieusement le comportement des consommateurs pour élaborer les offres les plus finement adéquates et les plus variées possibles ; préparer ces mêmes consommateurs à faire évoluer leurs habitudes de consommation en fonction des nouvelles possibilités qui leurs seront offertes ; etc.
D’une manière générale, le plus gros moteur d’adoption des nouvelles technologies reste l’utilisateur, dont il s’agit de susciter l’intérêt, puis l’adhésion. Les réseaux intelligents, ainsi que toutes les technologies qui en découlent, n’échapperont pas à cette réalité socio-économique. Le bénéfice des réseaux intelligents peut être très largement ressenti dans les années à venir, surtout si l’on commence dès maintenant à en préparer le terrain humain, pour recueillir l’implication de toutes les parties prenantes. Un, deux, trois, partons !