La pollution de l'air dans les grandes villes européennes, liée en particulier au trafic routier, a un impact direct sur l'espérance de vie, selon les conclusions d'un programme scientifique européen publiées le 2 mars. Mené durant trois ans dans 12 pays européens par plus de 60 scientifiques, le projet Aphekom, coordonné par l’Institut de veille sanitaire (InVS), s’est attaché à déterminer les impacts sanitaires et économiques de la pollution atmosphérique et à évaluer l’effet des réglementations dans ce domaine. Il montre ainsi que l’espérance de vie dans les grandes villes européennes pourrait augmenter jusqu’à 22 mois pour les personnes âgées de 30 ans et plus si la valeur guide préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les particules fines était respectée.
Dans les 25 grandes villes étudiées, totalisant 39 millions d’habitants, le dépassement du seuil de 10 microgrammes par m3 d’air fixé par l’OMS pour le niveau moyen annuel de particules fines PM2,5 (moins de 2,5 microns) se traduit par 19.000 morts par an. D’un point de vue économique, il pèse pour environ 31,5 milliards d’euros par an (dépenses de santé, absentéisme…). Sur les 25 villes, Stockholm est la seule sous le seuil OMS (9,4 microgrammes/m3). Bucarest et Budapest, qui ont les niveaux de particules fines les plus élevés, pourraient, en les abaissant, gagner respectivement 22 et 19 mois d’espérance de vie. La France « est dans une situation médiane », a indiqué Christophe Declercq (InVS).
9 villes françaises concernéesLes 9 villes françaises analysées pourraient gagner « 4 à 8 mois » d’espérance de vie, soit « environ 3.000 décès annuels ». Marseille aurait le plus à gagner, devant Lille, Paris, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Rouen, puis Le Havre et Toulouse. Il s’agit de « valeurs d’exposition moyennes », a souligné Christophe Declercq, avec une « forte hétérogénéité selon les quartiers ». Les particules fines, qui peuvent pénétrer profondément dans les voies respiratoires, sont émises par la combustion. Dans les grandes concentrations urbaines, les émissions des véhicules, surtout avec des moteurs diesel, contribuent pour près d’un tiers d’entre elles.
L’impact du trafic urbain
Le projet Aphekom a aussi montré qu’habiter à proximité du trafic routier augmente sensiblement le risque de maladies chroniques. Il a ainsi estimé que dans 10 villes européennes, 15% des asthmes de l’enfant pouvaient être attribués au trafic urbain. « En moyenne 30% de la population des 10 villes prises en compte par Aphekom habite à moins de 75 mètres d’une route sur laquelle circulent plus de 10.000 véhicules par jour », a souligné Nino Künzli (Centre de recherche en épidémiologie environnementale, Creal, Barcelone). L’impact de la pollution liée à la circulation est aussi retrouvé dans la bronchite chronique ou dans les pathologies cardiovasculaires, mais moins de données solides sont disponibles et les scientifiques préfèrent étayer leurs travaux avant d’avancer des chiffres, a précisé Laura Perez (Creal, Barcelone).
A contrario, le projet Aphekom a mis en évidence une diminution « considérable », de l’ordre de 66%, des niveaux de dioxyde de soufre (SO2) dans l’air ambiant depuis les années 90 et la mise en place d’une législation européenne visant à réduire les niveaux de soufre dans les carburants. Une diminution qui a permis de prévenir quelque 2.200 décès prématurés dans 20 villes européennes analysées. « Il y aurait de gros avantages à avoir une bonne gestion de la qualité de l’air, en particulier pour ce qui concerne le trafic routier », a souligné Alistair Hunt (Université de Bath, Royaume-Uni).