Un film transparent révolutionnaire permet de recharger un téléphone à la lumière du jour. Il devrait être commercialisé à partir de 2012. La plupart des acteurs de la téléphonie se sont empressés de remplir le carnet de commandes de la start-up
Face aux géants de l’industrie mobile, une start-up française, Wysips (What You See Is Photovoltaic Surface), a remporté le CTIA Wireless, dans la catégorie « Enterprise & Vertical Market: Green Telecom & Smart Energy Solutions, Apps & Hardware », un grand concours international de l’innovation mobile qui récompense chaque année, à Orlando, les projets les plus innovants en matière de technologie mobile. Breveté en 2006, son procédé lenticulaire qui inclut des cellules solaires photovoltaïques dans un film transparent suffisamment fin (100 microns) pour ne pas perturber le fonctionnement de la couche tactile, et sans incidence sur la luminosité, permet de produire de l’énergie afin de recharger un téléphone mobile de façon autonome. Ce film très fin, et posé pendant la fabrication du téléphone, captera la lumière du jour qui rechargera intégralement un iPhone en six heures.
Dans la mouvance écolo, le film photovoltaïque de Ludovic Deblois a de quoi séduire les foules. « Cela nous plaisait de développer l’énergie solaire pour les besoins de la vie quotidienne, raconte le président et fondateur de la start-up. Même si rien n’est écrit à l’avance, nous avions envie d’y croire. » Dans le « nous », il inclut le Géo Trouvetou de la bande, Joël Gilbert, un astrophysicien de 55 ans. C’est lui qui a imaginé le film révolutionnaire. En 2006, à deux, et avec une dizaine de développeurs, ils ont porté ce projet jusqu’au dépôt du brevet et la victoire du concours « devant tous les grands pontes du milieu ».
Des centaines de milliers de commandes
La plupart de ces magnats de la téléphonie se sont d’ailleurs empressés de remplir le carnet de commandes de Ludovic Deblois. « J’ai déjà plusieurs centaines de milliers de commandes », assure-t-il, ravi. Et pour cause : sans impacter sur la luminosité de l’écran, ni sur son aspect tactile, le petit bijou technologique et écolo sera vendu aux constructeurs à moins d’un euro pour un smartphone. Un argument de taille pour les industriels de la téléphonie mobile. Un opérateur américain est d’ailleurs déjà sur les rangs pour être le premier à proposer des téléphones dotés du fameux film solaire. Mais pour le fondateur de Wysips, il n’est pas question d’être exclusif. « Nous sommes aussi en pleine négociation avec des opérateurs européens, certaines grandes marques d’iBook ainsi que l’un des leaders de l’affichage publicitaire », précise Ludovic Deblois. « Les premières unités devraient être commercialisées en France en septembre 2012, lance-t-il. En 2013, nous produirons de très gros volumes. »
D’ici là, le patron de Wysips envisage de recruter une vingtaine de personnes en vue de préparer des « préséries ». Puis, en début d’année prochaine, il devrait lancer la production intensive de films photovoltaïques avec de nouveaux emplois à la clé et l’achat d’une nouvelle structure pour assurer la production dans la région Paca. « Nous visons 100 millions d’euros de chiffre d’affaires à partir de 2014, assure-t-il. Notre objectif est de suivre la même courbe que le tactile, qui est passée de 9 à 70 % en cinq ans. » Un horizon prometteur pour le trentenaire d’Aix qui conclu dans un murmure : « C’est vrai qu’on est content ! »
Un procédé universel aux multiples applications
Si le démonstrateur primé ne s’applique aujourd’hui qu’aux téléphones mobiles, à terme, tous les écrans pourraient produire de l’énergie. En fait, Wysips apparait comme un procédé universel qui, avec un rendement de 10 % (soit 100 W/m2), est capable de transformer n'importe quel support en surface photovoltaïque sans en changer l'aspect. De nombreux produits peuvent ainsi acquérir une totale indépendance énergétique ainsi que de nouvelles fonctionnalités grâce à l'énergie solaire ainsi produite.
L’équipe Wysips travaille d’ailleurs sur l’intégration de cette technologies avec des films souples ou rigides, dont l’épaisseur varie de 0,1 à 0,5 millimètres, sur des supports très divers. Écrans, verre, tissus, voiles, plastiques, composites… sont susceptibles de devenir des matériaux producteurs d'énergie photovoltaïque.
Par exemple, la technologie Wysips permettrait de rendre autonomes les stores des bâtiments, évitant ainsi la réalisation de travaux normalement nécessaires à l’installation des produits classiques (la motorisation fonctionnerait grâce à l’énergie captée par les éléments constituant le store devenu photovoltaïque). Complexes sportifs, bâtiments culturels ou tertiaires… pourraient ainsi produire leur propre énergie et fournir l’électricité nécessaire à l’éclairage ou au fonctionnement d’équipements électroniques.
Intégrée au textile, cette technologie permettrait également de proposer des vêtements intelligents producteurs d’énergie, autorisant ainsi pompiers ou médecins à recharger des équipements de première nécessité.
Autre application potentielle : le mobilier et la communication. Des cellules photovoltaïques intégrées dans ces produits permettraient de proposer des nouvelles fonctions : tente de camping intégrant une source lumineuse, table de jardin avec prise électrique, parasol éclaireur… Et appliquée aux surfaces publicitaires fixes (panneaux) ou mobiles (transport), Wysips donnerait à l’image une fonction nouvelle : la production d’énergie dédiée à l'autonomie de ces matériels, mais aussi à la production d'une énergie complémentaire permettant l’ajout de fonctionnalités (éclairage, vidéo surveillance, bornes WiFi…).
Appliquée au yachting motorisé et intégrée sur le pont du navire, la technologie Wysips pourrait fournir une partie de l’énergie électrique nécessaire à la propulsion. Pour les voiliers, elle pourrait constituer une source d'énergie complémentaire pour des moteurs hybrides, garantir l'autonomie de certains équipements de bord (éclairage, radio, GPS…), alimenter des stabilisateurs ou des unités de secours (lampe flash, radio, désalinisateur ...).
Filiale de SunPartner, groupe spécialisé dans la recherche, la mise au point et l’exploitation de solutions innovantes dans le domaine de l’énergie solaire, la société Wysips, implantée à Aix-en-Provence, pourrait démarrer des projets industriels relativement rapidement. Ludovic Deblois espère d’ailleurs voir son système intégré dans des produits commercialisés d’ici les douze prochains mois.