Est-ce vraiment la bonne méthode ? En injectant les milliards du grand emprunt dans la recherche, transformera-t-on enfin la France en terre d’innovation ? Valérie Pécresse en semble persuadée. Dans son discours (http://www.kooperation-international.de/fileadmin/public-downloads/news/Pecresse_Discours_Academie_des_Technologies.pdf; version écrite, non celle prononcée) à l'occasion du 10e anniversaire de l'Académie des technologies, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a même égrené les signaux positifs, qui montreraient que nous sommes dans la bonne voie.
« Notre pays redevient aujourd’hui une terre d’innovation. Et la meilleure preuve, c’est la fierté retrouvée de ses universités. D’ores et déjà, 90 % d’entre elles sont autonomes… ». Affirme-t-elle. Cela leur permettra enfin de nouer des contacts avec le monde économique ! « Désormais le dialogue universités-entreprises se pratique au quotidien que ce soit au sein des conseils d’administration de nos universités ou au travers de la quarantaine de fondations qui ont vu le jour partout en France, à l’image de ce qui se fait depuis si longtemps aux États-Unis ou chez nos voisins européens. » Pourtant, Juré ! Craché ! Il y a encore un an, les États-Unis n’étaient pas le modèle de cette réforme de l’université !
Autre signal positif… « la progression spectaculaire du nombre de laboratoires public privé : sur les 214 qui existent aujourd’hui en France, plus de la moitié a moins de 6 ans ! Au CNRS par exemple, près de 40 % des brevets déposés l’année dernière l’ont été en partenariat avec un acteur industriel, » enchaîne la Ministre. Certes, mais que sont-ils devenus, ces brevets ? Et puis, la durée de vie des laboratoires mixtes public-privé est souvent limitée dans le temps (autour de 5 ans). Normal que la moitié est moins de 6 ans. Leur nombre est plus intéressant.
En revanche, il est vrai que les pôles de compétitivité ont permis un rapprochement entre recherche publique et privée. « Plus de 20 000 chercheurs publics et privés associent désormais leurs talents au sein de ces pôles, soit près de 10 % de nos forces de recherche nationale. » Mais encore une fois, difficile de discerner, parmi les premiers projets de recherche collaboratifs aboutis ce qui se transformera vraiment en innovation.
Et bonne nouvelle « nos scientifiques s’engagent de plus en plus dans la valorisation de leurs travaux. […] Le CEA figure d’ailleurs au premier rang mondial des organismes publics déposants de brevets ! Le CNRS le talonne de près à la quatrième place. » Mais quand le CEA garde la mainmise sur ses brevets, le CNRS, lui, a du mal à les négocier. Pour l’instant du moins.
Le crédit impôt recherche aurait même finalement porté ses fruits au moins sur un de ses missions : « Nous avons fait plus que conjurer le risque de délocalisation de nos centres de recherche à l’étranger, nous avons inversé le processus, en attirant à nouveau en France les entreprises étrangères : en 2009, en pleine crise économique, elles sont 51 à avoir choisi notre pays pour implanter leurs équipes de R&D. » Tant mieux. Je veux bien la liste.
Reste les milliards du grand emprunt… « Nous avons réservé 4,5 milliards d’euros pour des appels à projet directement tournés vers la valorisation des résultats de la recherche. » J’attends avec impatience la mise en place des Sociétés d’accélération du transfert de technologies ? Les spécialistes interrogés restaient tous très dubitatifs, surtout en matière de compétences disponibles pour réaliser leurs missions, notamment celle liée à la maturation technologie d’une découverte avant sa valorisation…
Quant aux 400 millions d’euros pour l’amorçage… confiés à la caisse des dépôts. La ministre reconnaissait elle-même devant une autre tribune, que ce n’est pas l’option qu’elle aurait choisie ! Avec la culture du saupoudrage de la grande banque d'Etats… l’impact risque d’être affaibli. De plus, c’est au moment de l’accès au marché que le bas blesse. Pas tant au départ, où les bons projets trouvent souvent de l’argent, mais souvent pas assez.
Et puis encore une fois… l'argent ne suffit pas à changer les mentalités. Les millairds du grand emprunt n'ont fait qu'attiser les coivoitises et créer des compétitions stériles entre régions ! Et quand il tombe du ciel (enfin, des fonds publics)… il ne donne pas le goût du risque, indispensable à l'innovation.
Aurélie Barbaux