Les femmes sont toujours sous-représentées dans les disciplines scientifiques et en mathématiques. Un constat que nous rappelle Céline Grandmont, chercheuse au sein de l’équipe-projet REO, et co-organisatrice de la journée Maths-parité qui a eu lieu le 6 juin 2011 dernier à l'Institut Henri Poincaré à Paris. Elle propose quelques analyses de la situation et quelques pistes de travail.
Qu'est-ce que la journée Maths-parité ?
Cette journée part du constat que la parité peine à s’installer en mathématiques. Bien que beaucoup de collègues - femmes et hommes - aient l'impression qu'avec la mixité et l'évolution de la société, la parité en mathématiques s'impose peu à peu, les chiffres prouvent qu'il n'en est rien. La proportion de femmes en mathématiques diminue même. Les représentations des femmes au sein des jurys, commissions, conférences... ne correspondent pas à la proportion des femmes dans la discipline et la proportion des femmes diminue au fur et à mesure de l'avancement dans la carrière. Cette journée a pour but de dresser un tableau des situations, des difficultés et des réussites, et d'en analyser les causes, personnelles, sociétales, ou propres à la communauté mathématique. Il s’agit également d'informer sur les droits, les actions.
Nous espérons que la journée pourra déboucher sur des mesures concrètes et simples. Par exemple : faire que l'on se pose systématiquement la question "ai-je été influencé par des stéréotypes de genre" en rédigeant une lettre de recommandation, en évaluant un dossier... ; assurer une représentation correspondant à la proportion des femmes dans la discipline dans les comités de sélection, jurys, conférences... ; prendre en compte les congés maternité dans la carrière..., et surtout essayer de réfléchir ensemble aux stéréotypes "féminins" ou "masculins" et à leur influence. Il est d’ailleurs encore temps de s’inscrire, n’hésitez pas !
Pensez-vous que la désaffection des jeunes pour la filière scientifique soit une question de genre ?
La désaffection des jeunes pour les filières scientifiques est générale et, me semble-t-il, indépendante du genre. Néanmoins il est clair que les filles, même si elles représentent la moitié des lycéens en filière scientifique, choisissent moins (à part pour les professions de santé) que les garçons ces filières-là (c'est particulièrement vrai pour les classes préparatoires). Je ne sais pas quelles en sont toutes les raisons mais les stéréotypes liés au genre véhiculés par notre société jouent sûrement un rôle très important. Qui n'a pas entendu que les filles n'étaient pas douées en géométrie dans l'espace, ou pour les métiers techniques ? que les filles étaient plus "émotives", "appliquées", "sérieuses" et les garçons "inventifs", "curieux", "dynamiques" ? Qui n'a pas ouvert un magazine de jouets pour enfants : aux filles les poupées et aux garçons les lego. Inversement il y a aussi des métiers dits "féminins" où la proportion d'hommes reste très faible. Je trouve dommage que ces stéréotypes liés au genre influencent à ce point nos choix.
Et vous-même, comment êtes-vous devenue chercheur ?
Après une thèse en mathématiques appliquées à l'université Pierre et Marie Curie, j'ai été recrutée comme maître de conférences à l'Université Paris-Dauphine où j'ai exercé 8 ans le métier passionnant d'enseignant-chercheur. C'est au cours d'une année de délégation au sein de l'équipe-projet REO que j'ai commencé à collaborer avec Jean-Frédéric Gerbeau et Miguel Fernandez. J'ai eu la chance d’être recrutée à l’INRIA et de rejoindre leur équipe, jeune et dynamique, en 2006.
J'ai toujours aimé comprendre comment les choses marchaient : partir d'hypothèses, essayer de les vérifier, construire des raisonnements, imaginer de nouvelles solutions... Je ne dirais pas qu'être chercheur était un but, cela s'est fait naturellement. C'est un métier qui me convient bien malgré les moments de doute. Et pour y faire face, rien de tel que le travail en équipe et les autres activités que nous offre ce métier: transmission des connaissances, taches collectives…
Quelques dates clés
- 1970 : Naissance à Oakland (Californie – USA)
- 1998 : Obtention de son doctorat à l’UPMC
- 1998 : Enseignant-chercheur à Paris-Dauphine
- 2001 : Naissance de son premier enfant
- 2006 : Chercheur à l’INRIA
- 2007 : Sélection en deuxième phase des ERC « starting grants »
- 2009 : Naissance de son troisième enfant
- 2010 : Directrice de recherche à l’INRIA