La France peut passer de 1,8% d'EnR variables aujourd'hui, à 20% en 2025
Graphique ci-dessus: Structure typique de la puissance électrique française durant une semaine classique. Des pointes à 90 GW se produisent parfois durant l'hiver. On observe que la France a besoin d'une flexibilité d'environ 15 GW (besoin qui peut monter à 40 GW l'hiver).
Voici la suite du billet Réaction suite à la tribune de Nathalie Kosciusko - Morizet dans Le Monde concernant le projet du PS en matière de nucléaire (en ligne ici).
Quelle est la puissance flexible déjà en place en France ?
GAZ - La France dispose d'une puissance électrique installée de centrales thermiques à flamme (principalement à gaz naturel) de 12 GW (Source: EDF; Non compris les centrales qui n'appartiennent pas à EDF). Selon le Sénat, "d'après des données provisoires, le parc français se composait au 1er janvier 2007 de 24,8 GW de thermique" (Source: Sénat)
Elles contribuent à environ 11% de la production électrique nationale.
EAU - La France dispose aussi d'une puissance de 14,2 GW au niveau des lacs de barrage (9,2 MW) et des STEP (5 MW), à laquelle on peut ajouter 4,2 GW de centrales d'éclusées (stockage à une échelle de temps de quelques heures), ce qui fait un total de puissance hydro flexible de 18,4 GW. Ces unité hydro flexibles contribuent à la moitié (6%) de la production hydroélectrique nationale (12%).
La puissance de flexibilité (centrales à flamme + lacs + STEP + éclusées) est donc de 24,8 + 18,4 = 43,2 GW en France, de quoi absorber sans difficulté majeure environ 40 GW d'énergies renouvelables variables comme l'éolien et le solaire, bien entendu dans l'hypothèse d'une répartition intelligente des puissances fluctuantes sur le territoire (afin de favoriser le smoothing effect et aussi de réduire les goulots d'étranglement) et d'adaptations ponctuelles du réseau pour gèrer les flux.
40 GW d'éolien offshore, avec un facteur de capacité moyen de 35%, c'est une production de 40 GW x 8760 heures/an x 0.35 = 122 TWh. C'est à dire environ le quart de la demande électrique nationale. Avec 20 GW d'éolien offshore (CF de 35%) + 20 GW d'éolien terrestre (CF de 25% en moyenne selon RTE), on produit 100 TWh, c'est à dire un cinquième (20%) de la demande électrique nationale.
NUCLEAIRE - Ajoutons que les centrales nucléaires sont également flexibles (avec néanmoins une certaine inertie) si on prévient leurs gestionnaires assez longtemps à l'avance. Or les progrès en terme de prévision météo (vent, soleil) permettent précisément d'anticiper. Comme le souligne RTE, opérateur qui gère le réseau public de transport de l'électricité en France, "il est possible de prévoir vent et production éolienne à l’échelle de régions et du pays entier avec une précision suffisante plusieurs heures voire plusieurs jours à l’avance" Source: http://www.debatpublic-eolien-en-mer.org/docs/docs/contribution-rte.pdf
Il n'y a pas de problème pour augmenter la production nucléaire lors des longues périodes avec peu de vent, ce qui réduit considérablement les volumes (en TWh) de stockage nécessaires pour intègrer de hauts niveaux d'EnR variables.
VEHICULES ELECTRIQUES - Ajoutons que la France va convertir progressivement son parc automobile au 100% électrique, ce qui va permettre de disposer d'un grand nombre de batteries qu'il est possible de recharger de manière intelligente via le système V2G/G2V. Cette transition vers l'électro-mobilité s'accompagnera d'une diminution significative des émissions de CO2.
INTERCONNEXIONS - Ajoutons enfin que la France n'est pas un pays coupé du monde, mais qui au contraire a mis en place des interconnexions électriques avec les pays voisins (https://www.entsoe.eu/resources/grid-map/ / https://www.entsoe.eu/index.php?id=70). En période d'excès de production éolienne, la France peut réaliser du délestage vers ses voisins (Espagne, Allemagne, Suisse etc.). En période de sous-production, elle peut en retour importer. C'est exactement ce que fait le Danemark avec ses voisins allemands, norvégiens et suèdois.
CONCLUSION - Pour l'ensemble de ces raisons, il apparaît que la France peut tout à fait produire 20% de son électricité à partir de sources renouvelables variables (éolien et solaire), ceci sans avoir besoin d'installer de nouvelles capacités de stockage type batteries sodium-soufre ou STEP. La France peut ainsi atteindre 20% d'EnR variables (dont 1,8% déjà en place) + 12,4% hydro déjà en place + 0,8% biomasse déjà en place = 33,2% d'EnR. En parralèle, on peut ajouter 6,8% de biogaz et de biomasse-énergie (ce qui constitue de nouvelles puissances flexibles), et on parvient alors à un total de 40% d'EnR. Le mix électrique obtenu est alors: 50% nucléaire + 40% EnR + 10% Fossiles.
EXPERTS - Pour ceux qui doutent de la possibilité de passer de 1,8% d'EnR variables aujourd'hui à 20% en 2025, ceci avec les systèmes de flexibilité déjà en place aujourd'hui, je les invite à prendre connaissance du rapport de l'Agence Internationale de l'Energie Harnessing Variable Renewables: a Guide to the Balancing Challenge, 2011 (voir ici), dont voici un résumé sur le site de la revue scientifique Nature: No wind, No problem.
http://www.nature.com/news/2011/110524/full/news.2011.307.html