Si la fonte des glaciers tibétains représente un danger pour près de la moitié de la population du globe, le réchauffement climatique ne bouleverse pas la vie dans l'Himalaya. Les experts s'accordent à dire que les plus hauts glaciers du monde seront réduits d'un tiers en 2050, et de moitié en 2090.
"Il est évident que la fonte s'accélère et que la neige diminue. De fait, le niveau de l'eau baisse et les stockages aussi", explique Kang Shichang, de l'Institut de recherche sur le plateau tibétain de l'Académie des sciences sociales de Chine.
Des prévisions inquiétantes, puisque les montagnes du Tibet, à plus de 4.000 mètres d'altitude, sont les lits, entre autres, du Gange, du Brahmapoutre, de l'Indus, du Yangtze, du Fleuve jaune et du Mékong. Directement ou indirectement, pas loin de trois milliards d'individus sont à moyen terme menacés par un manque d'eau.
En Chine, "300 millions de paysans des régions de l'ouest seront probablement touchés par la baisse du volume d'eau descendant des glaciers", indiquait le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) dans un rapport en 2006.
Si le réchauffement climatique est l'une des grandes questions du moment dans le monde, au pied du glacier du Nojing Kangtsang (7.191 mètres), entre Lhassa, la capitale du Tibet, et l'Everest, la vie de Deji Cuonu n'a jusqu'à présent guère changé.
"Je trouve même que nous avons eu beaucoup de neige depuis quelque temps", assure la jeune femme, membre d'une petite collectivité d'une douzaine d'habitants du col de Karo-La, éleveurs de yaks et vendeurs de bibelots pour touristes.
Les dernières semaines sur le plateau tibétain ont pourtant été chaudes.
"Nous avons relevé des températures sur l'ouest du plateau de trois degrés supérieures à la normale entre décembre et février", dit Song Yanling, de la Météorologie nationale chinoise.
Le mercure a enregistré une moyenne de moins 3,4 degrés sur cette période.
"Pour l'ensemble de la région du Tibet, le mois de février a été le deuxième plus chaud depuis 30 ans", ajoute Mlle Song.
"Sous l'influence du réchauffement global, le climat sur le plateau tibétain connaît des changements significatifs", renchérit son collègue ingénieur, Xu Liangyan.
Petit exploitant agricole et chef du village de Hamu sur la rive du Lac Yamdrok-So, Quesan confirme que le début d'année est particulièrement clément.
"Mais la fin 2006 avait été rude et la neige abondante", précise-t-il.
Les eaux turquoises du lac, basses et qui se jouent assez facilement de la glace, témoignent de températures élevées en janvier et février. Et nombre de montagnes environnantes n'affichent, au mieux, qu'un saupoudrage de neige et de glace sur leurs versants.
Pour Kang Shichang, de l'Académie des sciences sociales, "l'activité humaine est aussi en partie responsable de la dégradation de l'environnement".
Le pompage de l'eau du Tibet par la vorace industrie chinoise est souvent pointée du doigt par les écologistes et les scientifiques.
Au pied du Nojing Kangtsang, le quotidien est dur, et on ne se sent nullement coupable.
"Les gens ici ont quelques parcelles de terres et quelques têtes de bétails, on ne détruit rien", dit le chef du village de Hamu.
A quelques centaines de mètres de là, un berger conteste à sa manière les affirmations des météorologues.
"Il y avait beaucoup de glace il y a quelques semaines, on pouvait traverser le lac à pieds", raconte Tunju.
"Heureusement qu'il neige souvent, c'est bon pour le bétail et l'agriculture", dit le berger qui, pour 7 yuans par jour (O,9 US cents), garde depuis trois ans une centaine de moutons du village, du matin au soir.