Les agrocarburants ne sont pas forcément plus respectueux de l'environnement que les carburants fossiles, telle est la conclusion d'une récente étude suisse basée sur les bilans écologiques des différents biocarburants.
Les biocarburants sont depuis quelques temps très plébiscités et par conséquent très encouragés. En Europe, conformément aux objectifs de la directive communautaire 2003/30/CE, le taux d'incorporation de ces agrocarburants dans l'essence et dans le gazole devrait atteindre 5,75% exprimé en valeur énergétique en 2010. En France, à la même date, ce taux d'incorporation devrait atteindre 7%. Au Etats-Unis, ces combustibles devraient représenter 15% du carburant utilisé par les véhicules d'ici 10 ans comme l'a souhaité George Bush dans son discours sur l'état de l'Union, en janvier 2007.
Fabriqués à partir de plantes comme le blé, le colza, le maïs ou la canne à sucre et mélangés à de l'essence ou à du gazole, les agrocarburants permettent de réduire les émissions de CO2 d'origine énergétique puisqu'on considère que le carbone rejeté lors de leur combustion a été préalablement absorbé par la plante lors de sa croissance. Ainsi, contrairement aux combustibles fossiles, les agrocarburants ont un bilan carbone neutre.
Toutefois, depuis leur mise en lumière, l'intérêt de ces carburants est de plus en plus remis en question. Plusieurs organismes ont alerté sur les risques de déforestation accrue liés aux besoins d'espace pour ces nouvelles cultures. Les biocarburants font également concurrence au secteur alimentaire et sont à l'origine d'une hausse des prix des denrées qui menace les populations les plus pauvres de la planète.
S'ajoutent à ces inquiétudes économiques et sociales, des doutes sur leur intérêt environnemental. Selon une étude mandatée par les offices fédéraux de l'énergie, de l'environnement et de l'agriculture suisses, les biocarburants ne sont pas forcément plus respectueux de l'environnement que les carburants fossiles. Bien qu'ils soient issus de matières premières renouvelables, leur culture et leur transformation peuvent causer toute une série d'atteintes à l'environnement comme l'acidification du sol agricole ou la perte de biodiversité. En outre, le développement de la production énergétique agricole est en concurrence avec d'autres formes d'utilisation du sol telles que la production de denrées alimentaires ou la conservation de surfaces naturelles.
Afin de prendre en compte tous les atouts et inconvénients des agrocarburants, l'étude a eu recours à la méthode des écobilans, qui permet d'analyser les effets qu'exercent les flux de matières et d'énergie sur l'environnement. Les résultats révèlent que pour la majorité des biocarburants il existe un conflit d'objectifs entre la minimisation des émissions de gaz à effet de serre et un bilan écologique global positif. Certes de nombreux biocarburants permettent de réduire de plus de 30% les émissions de gaz à effet de serre, mais la majorité de leurs filières de production présentent, pour plusieurs autres indicateurs environnementaux, une pollution plus élevée que pour l'essence. L'étude conclut notamment qu'une majeure partie des atteintes causées à l'environnement par les biocarburants est due à la production des matières premières. Dans les régions tropicales, les nuisances causées par l'agriculture sont principalement dues au brûlis des forêts qui émet une grande quantité de CO2, accroît la pollution de l'air et porte fortement atteinte à la biodiversité. Dans les zones à climat tempéré, les atteintes à l'environnement sont avant tout causées par un faible rendement à l'unité de surface, la fertilisation parfois intensive et les labours mécanisés.
Toutefois, contrairement aux carburants fossiles, il est possible de réduire notablement par des mesures ciblées les effets sur l'environnement des biocarburants. Cette étude démontre par exemple comment une réduction des pertes de méthane permet d'améliorer l'écobilan de la production de biogaz ou quelle influence exerce le renoncement au défrichage par brûlage dans la production de biodiesel à partir d'huile de palme.
À travers cette étude, les offices fédéraux de l'énergie, de l'environnement et de l'agriculture suisses estiment que la promotion des biocarburants, par le biais de mesures fiscales par exemple, doit s'effectuer de manière différenciée. Tous les biocarburants ne conduisent pas intrinsèquement à une réduction des effets sur l'environnement par comparaison avec les carburants fossiles. Parmi les filières de production, c'est actuellement la valorisation des déchets, de l'herbe et du bois qui conduit à une réduction des effets sur l'environnement par rapport à l'essence. La Suisse évoque ainsi la possibilité de mettre en place une certification des biocarburants qui s'assurera que leurs impacts au cours de leur cycle de vie sont minimisés.
La Suisse semble bien consciente que la bioénergie ne permettra pas à elle seule de résoudre leurs problèmes d'énergie. Mais elle estime que si l'on transforme de manière efficace et écologique en énergie la biomasse disponible et que l'on réduit simultanément la consommation en augmentant l'efficacité énergétique, ces supports énergétiques de remplacement peuvent, en association avec d'autres formes d'énergie renouvelables, jouer un rôle non négligeable dans leur approvisionnement futur en énergie.