Le milliardaire et fondateur de Microsoft, a livré à Harvard un discours détonnant, appelant à lutter contre les inégalités.
Nous sommes le 7 juin, à Harvard. Bill Gates, le cofondateur de Microsoft, et un des hommes les plus riches de la planète, vient de recevoir un diplôme de docteur en droit à titre honorifique. Il prend la parole et, passés les remerciements de circonstance, livre un discours plus que déroutant, pour un homme qui a bâti sa fortune sur la dominance d’un marché où il a su s’imposer en maître.
L’intégralité du discours est disponible, en anglais, sur le site de l’université, et en voici la traduction de deux passages :
"J’ai quitté Harvard sans être véritablement conscient des terribles inégalités existant dans le monde - les effroyables inégalités dans les domaines de la santé, des richesses et de la chance - qui toutes condamnent des millions de gens à vivre dans le désespoir. J’ai beaucoup appris, ici à Harvard, sur de nouveaux concepts économiques et politiques. J’ai été très sensibilisé aux avancées scientifiques en cours de réalisation.
Cependant les plus grands progrès de l’humanité ne sont pas dans ces découvertes, mais dans la manière dont elles sont utilisées pour réduire les inégalités. Que ce soit à travers la démocratie, un enseignement public fort, la qualité des soins, ou les grandes perspectives économiques, la diminution des inégalités constitue le plus grand exploit de l’humanité.
J’ai quitté le campus en ne sachant presque rien des millions de jeunes qui, ici, sont exclus des chances que donne l’éducation. Et en ne sachant rien des millions de gens vivant dans un état de pauvreté et de maladie indescriptible dans les pays émergents. Cela m’a pris des dizaines d’années pour le découvrir.
(...)
Vous, jeunes diplômés, vous atteignez l’âge de la majorité à un moment fantastique. Vous allez quitter Harvard avec un bagage technologique que les gens de ma génération n’ont jamais eu. Vous êtes conscients des inégalités planétaires que nous ne soupçonnions même pas. Et avec ce niveau de conscience, il est fort probable que vous serez tarabustés par une petite voix à la seule pensée d’abandonner à leur sort ces gens dont vous pourriez améliorer la vie moyennant un tout petit effort de votre part. Vous avez plus que nous avions, vous vous devez de commencer plus tôt et de continuer plus longtemps.
Sachant tout ce que vous savez, comment pourrait-il en être autrement ?
Je vous souhaite de revenir à Harvard dans une trentaine d’années afin de partager ce que vous aurez réalisé avec votre talent et votre énergie. J’espère que vous ne vous jugerez pas uniquement sur vos réalisations professionnelles, mais aussi sur la manière dont vous aurez pris en compte les inégalités les plus terribles... sur la manière dont vous aurez traité les personnes vivant à l’autre bout du monde, ces êtres qui n’ont rien en commun avec vous si ce n’est le fait d’être humains."
Mea Culpa ?
Cela discours à mes yeux sonne comme une forme de mea-culpa. Il appelle néanmoins une question : « pourquoi lui a-t-il fallu "plusieurs décennies" avant de prendre conscience et quel a été le déclencheur de ce changement ? »
Dans ce discours il explique que lui et son épouse ont réellement pris conscience de la réalité suite à la lecture d’un article, dans lequel il était question d’un rotavirus qui tuait plus de 500 000 enfants dans les pays en voie de développement, mais pas un seul aux Etats-Unis.
Si j’étais de mauvaise foi, j’aurai tendance à dire que ce monsieur a bien tardé avant d’ouvrir d’autres journaux que le Wall Street Journal.
Je ne tiens absolument pas à faire ici un procès d’intention à l’égard de M. Gates : je reconnais à chacun le droit de changer et de prendre conscience à son rythme.
Je me refuse donc à voir - a priori - dans ce discours une forme d’opportunisme sur le dos de la bonne conscience.
Juger sur pièce
Mais, suite à ces mots qui l’engagent, je regarderai désormais de très près les prises de position de cet homme et forgerai mon opinion en fonction de ses actions à venir.
La lecture de ce discours m’a également rappelé 2 petites phrases d’Albert Einstein que je vous livre en guise de conclusion :
"Je détermine l’authentique valeur d’un homme d’après une seule règle : à quel degré et dans quel but l’homme s’est libéré de son moi."
"Je ne peux comparer la générosité d’un Moïse, d’un Jésus ou d’un Gandhi et la générosité d’une quelconque fondation Carnegie."