Plus de 50% des 6000 langages présents dans le monde sont en danger d’extinction. En moyenne, un langage disparait toutes les deux semaines.
“Plus le sentiment de l’unité avec nos contemporains augmente, plus les hommes s’uniformisent, plus aussi ils ressentent sévèrement la moindre différence comme immorale. C’est ainsi que se forme nécessairement le sable humain : tous très semblables, très petits, très arrondis, très accommodants, très ennuyeux […] Un petit sentiment faible et obscur de bien-être médiocre uniformément répandu, une chinoiserie générale améliorée et poussée au bout - serait-ce là l’ultime image de l’humanité ? Inévitablement, si elle persévère dans les voies de la moralité antérieure. Il faut y réfléchir à fond : peut-être faudra-t-il que l’humanité tire un trait sous son passé, peut-être faudra-t-il appliquer à tout homme ce canon nouveau : soit différent de tous les autres et sois heureux que chacun diffère de son voisin. ” Nietzsche dans La volonté de puissance II
D’après l’Unesco :
- plus de 50% des 6000 langages présents dans le monde sont en danger d’extinction ;
- 96% des 6000 langages ne sont parlés que par 4% de la population mondiale ;
- 90% des langages ne sont pas représentés sur Internet ;
- en moyenne, un langage disparait toutes les deux semaines.
D’après le Millenium Ecosystem Assessment, environ 60 % des écosystèmes de la planète sont aujourd’hui détruits ou utilisés de manière non durable.
Notre hypothèse est qu’il existe entre ces deux “compartiments” de la diversité, des échos ou résonances, symptômes communs d’un processus d’uniformisation global. S’il existe moins d’éléments biophysiques, alors il existe moins de possibilités d’agencements (symbiose, alliance, compétition), moins de possibilités de vie, d’où un appauvrissement de la production dans l’immatériel. Autrement dit, les agencements entre les différentes formes constituées déterminent des modes de pensés et de représentation possibles. Parmi ceux-ci émerge alors un mode de « domestification » dominant de la nature, mode qui va conditionner les modes d’existence, des degrés de coexistence et de couplage possibles, c’est à dire les conditions particulières de production de l’immatériel (organisation de la production artistique, artisanale…).
En ce sens, les équilibres écologiques nous renverraient donc aux conditions matérielles de production de l’immatériel. Une époque peut-être vue comme une combinaison de forces particulière (révélée, rencontrées, associées) constituant des corps, des formes singulières (l’homme se combinant aux forces du carbone, de l’atome, du fer…). Extraits de “Pourparlers”, Gilles Deleuze : « […] C’est que les forces de l’homme ne suffisent pas à elles seules à constituer une forme dominante où l’homme peut se loger. II faut que les forces de l’homme (avoir un entendement, une volonté, une imagination, etc.) se combinent avec d’autres forces […] La forme qui en découlera ne sera donc pas nécessairement une forme humaine, ce pourra être une forme animale dont l’homme sera seulement un avatar, une forme divine dont il sera le reflet, la forme d’un Dieu unique dont l’homme ne sera que la limitation (ainsi, au XVIIe siècle, l’entendement humain comme limitation d’un entendement infini) […] C’est dire qu’une forme-Homme n’apparaît que dans des conditions très spéciales et précaires : c’est ce que Foucault analyse, dans Les mots et les choses, comme l’aventure du XIXe siècle, en fonction des nouvelles forces avec lesquelles celles de l’homme se combinent alors. Or tout le monde dit qu’aujourd’hui l’homme entre en rapport avec d’autres forces encore (le cosmos dans l’espace, les particules dans la matière, le silicium dans la machine…) : une nouvelle forme en naît, qui n’est déjà plus celle de l’homme […] »
A partir de là, on ne peut plus se satisfaire de penser isolément la seule écologie environnementale, ie conserver nos schémas de représentation anciens comme Guattari le constatait au début des années 90’ : ” […] les formations politiques et les instances exécutives paraissent totalement incapables d’appréhender cette problématique dans l’ensemble de ses implications. Bien qu’ayant récemment amorcé une prise de conscience partielle des dangers les plus voyants qui menacent l’environnement naturel de nos sociétés, elles se contentent généralement d’aborder le domaine des nuisances industrielles et, cela, uniquement dans une perspective technocratique. ” Or la question écologique bouleverse les rapports de l’humain au non humain, de l’humain à l’humain. Ensemble de rapports sur lesquels il convient de changer notre perspective anthropocentrée, projeter notre cosmologie constituant le degré zéro de la pensée des rapports au non humain. Il est donc nécessaire d’articuler les différents « contextes » de l’existence (naturel, social, mental), dans la mesure où il existe une écologie, comme une biodiversité, tant des espèces immatérielles (idée, œuvre d’art, mode d’existence, …) que matérielles (végétaux, animaux…).
La récente ratification de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel sous l’égide de l’UNESCO, faisant écho à la convention sur la biodiversité, semble être un pas important vers la reconnaissance des liens de production unissant les divers patrimoines vivants.
Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
Constatant que “beaucoup d’éléments du patrimoine culturel immatériel sont mis en péril par la mondialisation, les politiques uniformisantes et le manque de moyens”, la Convention
Complétant le dispositif normatif de l’UNESCO pour la préservation du patrimoine matériel, celle-ci vise à sauvegarder le patrimoine culturel immatériel (PCI), patrimoine vivant ”creuset de la diversité culturelle et sa préservation le garant de la créativité permanente de l’homme”. Sur le site dédié de l’Unesco on pourra lire les définitions et axes suivants :
” […] Concrètement, le PCI ainsi défini concerne :
- les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ;
- les arts du spectacle (comme la musique, la danse et le théâtre traditionnels) ;
- les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
- les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
- les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.
En termes plus abstraits, le PCI concerne les pratiques, représentations, expressions, ainsi que les connaissances et savoir-faire que des communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel.
Le PCI protégé par la Convention
- est transmis de génération en génération ;
- est recréé en permanence par les communautés et les groupes, en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire ;
- procure aux communautés et aux groupes un sentiment d’identité et de continuité ;
- contribue à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine ;
- est conforme aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ;
- est conforme aux exigences de respect mutuel entre les communautés et de développement durable.
Le PCI est à la fois traditionnel et vivant. Il est constamment recréé et transmis oralement dans la majorité des cas.
Le dépositaire de ce patrimoine est l’esprit humain, le corps humain étant le principal instrument de sa représentation ou – littéralement – de son incarnation. Les connaissances et le savoir-faire sont souvent partagés par une communauté et les manifestations du patrimoine culturel immatériel sont souvent des événements collectifs.
La Convention la Liste la Convention
Voir le Préambule de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
Voir le site internet de la convention