Alarmé par l'impact sur le réchauffement de la planète de millions de crémations chaque année en Inde, une organisation de protection de l'environnement promeut un nouveau bûcher, moins consommateur en bois et donc plus écologique.
Car lorsqu'un Indien hindou meurt, la crémation de son corps fait bondir les émissions de gaz à effet de serre. "Notre foi nous dicte de procéder à nos derniers rites de cette manière", explique Vinod Kumar Agarwal, un ingénieur. Mais "toutes les cendres se déversent dans les cours d'eau et le dioxyde de carbone contribue au réchauffement climatique", reconnaît-il.
Du coup, cet ingénieur écolo a mis au point un bûcher qui réduit la quantité de bois requise avec pour effet d'abaisser de plus de 60% les émissions de dioxyde de carbone (CO2).
Les hindous croient que brûler entièrement un corps facilite la libération de l'âme, dont le salut ne se réalisera qu'une fois achevé le cycle des réincarnations.
Dix millions de gens décèdent chaque année en Inde, un pays de 1,1 milliard d'habitants parmi lesquels 85% d'hindous. Pour incinérer ces millions de corps, 50 millions d'arbres sont abattus, produisant 500.000 tonnes de cendres et huit millions de tonnes de CO2 chaque année, selon l'organisation écologique Mokshda de M. Agarwal.
D'après lui, il faudrait seulement 22 kg de bois pour brûler un corps humain de taille et de corpulence moyennes. Mais les pompes funèbres hindoues en utilisent souvent davantage à cause d'une mauvaise combustion.
Une crémation hindoue classique, au cours de laquelle une dépouille est incinérée pendant plus de six heures sur un bûcher d'un mètre de haut en plein air, peut consommer plus de 400 kg de bois, selon l'ingénieur.
En 1993, M. Agarwal avait mis au point son premier bûcher "anti-réchauffement climatique": un brasier sous un toit dont les lattes pouvaient être abaissées pour maintenir la chaleur. En rehaussant le bûcher, l'air circulait mieux et alimentait le foyer. "Mais personne ne s'en est servi", déplore-t-il, alors que son dispositif nécessitait quatre fois moins de bois et deux heures de moins pour incinérer un corps.
Après des années de négociations avec des autorités religieuses, administratives et écologistes, M. Agarwal a peaufiné son invention qui comprend un sol en marbre, une statue du dieu Shiva et une cheminée capable de retenir les particules de matière produites par la combustion.
Depuis, le groupe Mokshda a installé 41 bûchers dans tout le pays et compte en vendre 20 de plus cette année.
A Faridabad, une banlieue de New Delhi, 15 des 75 crémations effectuées chaque mois se font sur un bûcher Mokshda. "C'est à la fois bien pour la religion et pour le porte-monnaie", se félicite Amir Singh Bhatia, directeur du crématorium de la ville.
Mais l'ingénieur Agarwal ne se fait pas beaucoup d'illusion: il faudra au moins une génération pour convertir les hindous à son nouveau bûcher écologique. En attendant, l'association Mokshda espère que son bûcher sera finalement enregistré sous le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto, qui encourage les projets écologiques dans les pays émergents