Poussif et chaotique. A l’image du train à vapeur Molly, censé relier les médias aux chefs d’Etat pendant le sommet du G8 qui vient de s’achever, Angela Merkel, volontariste aux manettes, et Nicolas Sarkozy, très actif au charbon, n’ont pu sauver les apparences.
Slalom sur les conflits régionaux
Surtout, éviter les sujets qui fâchent. Rien donc sur le Kosovo et son «indépendance contrôlée». Bush et Poutine se sont opposés jusqu’à la dernière minute. Même les Européens (Merkel et Sarkozy) se sont écharpés sur le report de six mois d’une décision à l’ONU sur l’indépendance de la province serbe. Même constat d’impuissance pour la Corée du Nord. Seule petite percée : le Soudan. Les Huit militent pour une «mission hybride» placée sous la tutelle de l’Union africaine et de l’ONU, et Paris accueillera une conférence ministérielle le 25 juin. Enfin la résurgence de la guerre froide connaîtrait un signe de détente après la proposition de Poutine à Bush d’utiliser les bases militaires d’Azerbaïdjan plutôt que de construire de nouvelles installations en Europe de l’Est. Blair a moyennement apprécié : il a assuré hier à Poutine que «les Occidentaux commencent à avoir peur de la Russie».
Ecran de fumée sur le climat
Les pays riches n’ont respecté que 20 % de leurs engagements contre le réchauffement pris en 2006 à Saint-Pétersbourg, rappelle une étude du G8 Research Group. Globalement, le G8 n’a tenu que 46 % de ses engagements depuis plus de dix ans. Pas de quoi donc, s’emballer sur la victoire claironnée par Merkel.(Libération d’hier) Un sommet devrait se tenir le 24 septembre aux Nations unies, histoire de préparer la réunion de décembre à Bali, sur les suites à donner au protocole de Kyoto, qui expire en 2012. »Nous avons les ressources, nous avons les technologies, ne manque que la volonté politique», dit Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies... Ce n’est pas gagné. Ainsi, le premier ministre chinois Hu a répondu hier : «Les pays en développement ont besoin de consommer plus d’énergie.»
Aide : chiffres en suspension
Ni calendrier ni répartition des contributions entre pays : le flou et les imprécisions du G8 sur l’Afrique et les pandémies ont excédé jusqu’à ceux qui jouent le go-between entre ONG et pays riches. A l’instar de Bono, qui ne voit dans le texte final de vendredi qu’un «bla-bla bureaucratique» (lire ci-contre). «Il faut voir si l’argent est utilisé de façon efficace», résume Merkel, très ferme sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption., même si »très consciente de ses responsabilités.» «L’important, c’est que nous avons repris les engagements que nous avions faits il y a deux ans», relativise Tony Blair, qui avait présidé le sommet de 2005. C’est dire le chemin parcouru. Un surplace qui n’a pas échappé aux leaders africains. Tel le Sénégalais Wade, qui s’interrogeait vendredi pour savoir s’il ne faudrait pas arriver à des mécanismes contraignants «pour pousser les pays riches à respecter leurs promesses».
G8, vestige en péril ?
Une fois de plus, le G8 a été placé sous les feux croisés des alter. Pendant qu’à l’intérieur les ONG accréditées ont multiplié les communiqués incendiaires sur les moindres «avancées» des Huit, des dizaines de milliers de militants ont coupé les voies d’accès au saint des saints dans un joli chaos. Bilan : plus de 1 000 blessés, et impossible ou presque de rallier les conférences de presse des Huit, sauf à devoir être «embedded» dans un hélico de l’armée. Le prochain G8 sur l’île d’Hokkaido sera-t-il à l’abri ? Le G8 est aussi sommé de s’élargir pour mieux représenter le monde ? «Nein», a répété Angela Merkel. Pas question d’ouvrir la porte aux pays émergents. La Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil et le Mexique devront se contenter de ce que la chancelière a baptisé de «dialogue structuré et permanent».«C’est le message» de ce sommet, dit-elle : la reconnaissance que, «les uns sans les autres, on ne peut plus s’en sortir». La route est longue. Et la pente très droite.
Christian Losson et Nathalie Versieux
envoyés spéciaux de Libération