Le dernier rendez-vous de l'opération Sciences sur Seine du 11 juin a été l'occasion de réunir quatre spécialistes des changements climatiques et de leurs conséquences : Valérie Masson-Delmotte (LSCE/IPSL), Jérôme Gaillardet (IPGP), Hervé Le Treut (LMD/IPSL) et Philippe Quirion (CIRED et LMD/IPSL) dans un débat avec le public animé par Fabrice Papillon, journaliste scientifique.
La thématique de cette soirée à entrée libre : "Quel climat pour demain ? De l'observation à la modélisation. Quels comportements pour demain ?"a mobilisé plusieurs dizaines de personnes, plutôt d'âge murs ou des étudiants à bord du Cabaret Pirate accosté sur la Seine la Bibliothèque Nationale la Terre la Terre. Le
Une situation inédite et exceptionnelle pour l’Homme
Selon Valérie Masson-Delmotte,
Effectivement, le réchauffement inquiétant que nous connaissons ne s'inscrit pas dans les cycles naturels qui ont marqué l'histoire climatique de notre planète, comme par exemple les périodes glaciaires et interglaciaires qui trouvent leurs origines dans les variations orbitales de
Rappelons que selon le dernier rapport du GIEC, au cours du siècle dernier, la Terre 0,76 °C 1 °C 6°C
Le consensus scientifique est clair
Selon Hervé Le Treut, membre du GIEC avec Valérie Masson-Delmotte, le degré de confiance sur la responsabilité de l'Homme dans ces changements est de 9 (sur une échelle de 10). A ce titre, Hervé Le Treut, qui a donc participé avec sa collègue à l'élaboration des derniers rapports, souligne que le consensus est écrasant dans la communauté scientifique internationale et que les détracteurs inflexibles ne se comptent plus que "sur les doigts d'une main".
Les modèles climatiques, qui fonctionnent depuis les années 80, ont réussi, en simulant les mécanismes physiques qui définissent le fonctionnement du système climatique, à anticiper ce réchauffement. C'est à dire que les premiers modèles, pourtant peu sophistiqués, avaient déjà prévu le réchauffement que nous connaissons si nous continuions à émettre massivement des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, expliquait Hervé Le Treut.
Et les causes de ce réchauffement, qui ont été débattues par les milliers de scientifiques réunis autour du GIEC, ne trouvent aucune autre source valable que nos activités. L'activité solaire a bien évidemment été prise en compte et son rôle dans le réchauffement ne cesse d'être minimisé avec l'avancée des recherches dans ce domaine, c'est en tout cas l'une des conclusions des derniers rapports du GIEC. Depuis les années 80, c'est à dire au moment où le réchauffement s'est accéléré, l'activité solaire est devenue marginale.
Au final, les agitations médiatiques provoquées par certains scientifiques français et américains notamment, ne sont pas fondées et relèvent davantage de la désinformation à des fins lobbyistes plus qu'à un réel souci d'objectivité. Notons d'ailleurs que les derniers remparts américains se sont écroulés et que le président G. Bush a accepté l'évidence lors du dernier G8, rapportait Philippe Quirion.
Cependant, Hervé Le Treut a bien souligné l'importance du débat dans le GIEC dont les membres présentent des positions plus nuancées et plus catastrophistes mais qui tendent toutes à valider la responsabilité de l'Homme dans les changements climatiques. Le scientifique a rappelé que le GIEC effectue un travail de revue de l'ensemble des études faites dans ce domaine et qu'il faut se garder de diaboliser les positions les plus sceptiques, même si personne n'a encore réussi à remettre en cause les modèles climatiques et leurs prévisions qui se vérifient.
A ce titre, Jérôme Gaillardet directeur adjoint de IPGP relativisait les conclusions des deux membres du GIEC en précisant notamment que les points de mesure de la température à la surface du globe restaient insuffisants, que la relation entre l'augmentation du CO2 et la température n'était pas clairement établie... Un scepticisme qui s'est toutefois rapidement tu devant les arguments solides des deux physiciens.
Les conséquences seraient sous-évaluées
Philippe Quirion notait que les conséquences du réchauffement de la planète sont notamment évaluées sous la forme de scénarios fonction des émissions futures, des réponses économiques et démographiques qui seront mises en place. Les dernières estimations des émissions de CO2 au niveau mondial ne sont pas rassurantes puisque qu'actuellement, nous suivons le scénario le plus catastrophique du GIEC : une augmentation de +
Or, ce scénario catastrophe serait sous-évalué par le GIEC selon Valérie Masson-Delmotte qui s'intéresse notamment aux climats passés pour mieux comprendre celui de demain. La scientifique pense que nous devrions connaître un changement climatique majeur bien plus nettement et rapidement...
De surcroît, les manifestations les plus tangibles du réchauffement : vagues de chaleur, cyclones violents... Sont effectivement plus nombreux depuis quelques décennies d'après les scientifiques présents qui prévoient une augmentation nette de leur fréquence.
Vers l'adaptation
Les solutions sont nombreuses et en même temps complexes à mettre en oeuvre dans le cadre d'une action concertée au niveau mondial.
Philippe Quirion insistait notamment sur le rôle des politiques publiques et de la réglementation pour infléchir la tendance en France, jugeant que les consommateurs, même sensibilisés, ne sont pas efficaces. Je pense qu'au contraire, les consommateurs seront les moteurs du changement et que leur responsabilité grandissante dans cette problématique doit être clairement affichée, comprise et orientée pour plus de responsabilité. Cela dit, force est de constater que la sensibilité est forte mais que l'action reste encore marginale...
Dans tous les cas, les pays dits "en développement" se préoccupent davantage des mesures d'atténuation des conséquences du réchauffement climatique plutôt que des mesures de réduction des émissions. Ces pays jugent, à juste titre, que la responsabilité de ce défi incombe très largement aux pays les plus industrialisés.
En effet, le comble de cette problématique réside dans les premières victimes : les pays les moins avancés, les plus vulnérables et qui n'ont quasiment pas contribué au réchauffement de la planète. Pour ces pays, les mesures de réduction sont tardives et inappropriées : il est temps, pour eux, de trouver des solutions d'adaptation à cette nouvelle ère climatique qui promet un bouleversement majeur des sociétés humaines.
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