Le meilleur du cinéma américain se cache maintenant dans les reportages et documentaires, les scénarios étant écrits par leurs sujets, alors que les scénaristes de Hollywood révèlent leur impuissance sur la fiction. Bref, ce 32e festival du cinéma américain de Deauville présentait dans sa section "Docs de l'oncle Sam" une très intéressante enquête, traitée par son auteur, Chris Paine, comme un polar : Who killed the electric car ?
Nous avons conscience du scandale que constitue la voiture électrique auprès des fanatiques du sport automobile pour qui une auto doit obligatoirement chauffer, polluer, puer, salir, comme les trains du début du siècle dernier, pour mériter ce nom. Nous les comprenons car nous en faisons partie. Mais raisonnerons-nous ainsi en 2056 quand le dernier automobiliste mettra la dernière goutte d'essence dans son automobile, sous l'oeil des télés du monde entier ?
Who killed the electric car ? raconte comment General Motors produisit une voiture électrique, la EV1, pour se conformer à une directive californienne du début des années 90 stipulant une réduction progressive de l'émission de gaz polluants. GM dépensa un milliard de dollars pour mettre au point cet engin qui, lorsqu'il le fut, vers 1996, ressemblait à un genre de Chevrolet Corvette (en tout cas est-ce l'avis du réalisateur) qui parcourait juqu'à 160 km, avec les dernières batteries Panasonic, à la vitesse de 125 à l'heure. 1 100 de ces autos furent produites, dont 800 réservées à la location. Les Californiens, gens ouverts à l'innovation, s'intéressèrent vite à ce concept préservant la nature. Pensez donc, que des avantages, indique Chris Paine : pas de moteur à explosion, pas de pièces à changer, rien qu'une révision de temps en temps, de l'air pour les pneus, un peu d'eau dans le lave-glace
Quelque 5 000 clients potentiels se manifestèrent, au grand dam de GM qui ne tenait absolument pas à encourager un mode de propulsion étudié uniquement dans le but de satisfaire à la directive de l'Etat de Californie. Le constructeur dissuada donc d'acheter ses EV1, les réservant à la location.
Le film retrace ensuite la chronologie des événements ayant conduit à la destruction des 80 EV1 encore en circulation en 2005.
La directive californienne, Zero emission vehicle (ZEV) fut abrogée à la fin des années 90, sous la pression des lobbyes industriels automobiles, auxquels l'administration Bush - issue des milieux pétroliers - faisaient les yeux doux.
Alors que la raréfaction du pétrole, à tout le moins son extraction délicate car effectuée dans des zones destabilisées, générait des profits faramineux aux compagnies, il devenait gênant de continuer à mettre au point un véhicule électrique qui, d'après les experts consultés par Chris Paine, eût été opérationnel aujourd'hui. Des batteries permettant une autonomie de 500 km existent, étudiées sur le modèle de celles qui équipent nos téléphones portables.
Au cours de l'année dernière, GM entreprit de détruire les EV1 restantes, entreposées sur un parking de Burbank surveillé jour et nuit par des activistes pro EV1. Chris Paine les filme pendant qu'ils tentent de se coucher en travers de la route des gros Mack de la GM venus une nuit emporter les EV1 à la casse. Peine perdue. Il n'en reste qu'une, de ces EV1. Elle a échappé au massacre et survit dans un musée de Los Angeles, témoignage de l'irresponsabilié des hommes.
Who killed the electric car ? , documentaire de Chris Paine, 2006
Site officiel : www.sonyclassics.com/whokilledtheelectriccar