Selon les chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory, les derniers modèles informatiques du climat sont devenus plus fiables que les précédents. Ils sont maintenant capables de reproduire le réchauffement des océans observé depuis 50 ans. Ces derniers résultats incitent tout de même à la prudence, car ils ont fait apparaître des biais dans les mesures de températures des océans d’après les chercheurs.
Cette image en fausses couleurs, prise par un satellite en 2003, représente la température de surface globale des océans. La glace est représentée par la couleur blanche et les continents en gris.
Crédit : NASDA-NASA.
La compréhension du processus de réchauffement climatique devient de plus en plus importante et surtout, il s’agit de savoir dans quel sens le climat actuel de la Terre va évoluer dans les prochaines dizaines d’années. Malgré le consensus exprimé par le rapport du GIEC, il reste des incertitudes qui alimentent toujours le débat. Les mathématiciens, physiciens et informaticiens du LLNL en collaboration avec leurs collègues de la Scripps Institution of Oceanography, la Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology, le National Oceanic and Atmospheric Administration et enfin le National Center for Atmospheric Research ont donc fourni une contribution intéressante qu’ils ont exposée dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
Les chercheurs du LLNL sont des « grands maîtres » en ce qui concerne les simulations numériques des phénomènes physiques, et notamment ceux concernant la physique des fluides et du transfert de rayonnements. Ce n’est pas étonnant : comme leurs collègues de Los Alamos, ils sont au cœur du dispositif américain de conception des armes nucléaires, ce qui nécessite de bien maîtriser l’hydrodynamique des explosions, la théorie cinétique des flux de neutrons et de rayons X. Autant dire que leurs conclusions ne sont pas à prendre à la légère.
Les observations montrent des variations conséquentes de la chaleur contenue dans les océans sur des échelles de temps s’étendant de l’année à la dizaine d’années. Les modèles étudiés par ces équipes sont maintenant capables d’en rendre compte plus efficacement que ce que l’on croyait il n’y a pas si longtemps encore. Selon elles, les écarts de prédictions connus auparavant en utilisant 13 modèles numériques différents seraient en fait largement dus aux instruments et à la qualité du réseau de mesures couvrant la planète, sans oublier l’absence de prise en compte valable de l’influence des éruptions volcaniques. On sait, en effet, que les aérosols soufrés et les poussières produits par des éruptions, comme celle du Pinatubo, sont susceptibles d’influencer le bilan radiatif de la planète, et donc son climat.
Les chercheurs sont devenus particulièrement sceptiques en ce qui concerne la mise en évidence d’un refroidissement global des océans, sur la période 2003-2005, au niveau des couches d’eau s’étendant de la surface jusqu’à 700 mètres de profondeur. Pour eux, il s’agit d’un biais dans les mesures, introduit par des changements dans les combinaisons d'instruments utilisées à cette époque.
De plus, ils pointent du doigt le fait que les millions de mesures de températures n’étaient pas réparties de façons suffisamment homogènes sur la planète. Du coup, les climatologues étaient obligés de « boucher les trous » en utilisant des extrapolations basées sur des méthodes statistiques d’échantillonnages : un autre facteur d’introduction d’imprécisions et de fluctuations artificielles dans les prédictions et les estimations du champ de températures des océans.
A l’appui de ces affirmations, ils mentionnent que l’introduction d’un réseau de bouées Argos en 2000 dans l’océan Atlantique a fourni des relevés de températures plus précis mais surtout, a mis en évidence un biais dans les instruments de mesure précédents, faussant les estimations.
La conclusion des chercheurs est donc que les écarts entre prédictions et observations, en ce qui concerne le réchauffement des océans, sont plus probablement dus au processus de mesure qu’aux modèles numériques utilisés. On ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment d’ambivalence car d’un côté, cela semble confirmer que nos modèles climatiques sont fiables dans les grandes lignes mais de l’autre, cela souligne à quel point des manques dans les données d’observations concernant le climat, ou certains paramètres sous-estimés car mal mesurés, peuvent influencer les prédictions globales sur le climat. Freeman Dyson aurait-il raison ?