Les autorités taiwanaises, aux divers échelons, annoncent des mesures concrètes, exemplaires et immédiates pour participer à la lutte collective pour la sauvegarde de l’environnement mondial. Et se lancent dans un plan qui va plus loin et plus vite que les exigences du sommet de Kyoto bien que le pays n’ait pu en être signataire. Un exemple à méditer. Et à suivre peut-être...
Depuis plusieurs jours, les autorités de Taiwan, tant aux échelons municipaux des grandes villes qu’au niveau national, se sont engagées avec des moyens à la hauteur des ambitions affichées dans l’action pour la préservation de l’environnement.
Bien que Taiwan ne soit pas membre de l’ONU, donc non-signataire à ce titre du Protocole de Kyoto, le pays met en place un véritable Plan pour l’Environnement qui tend non seulement à suivre les prescriptions du célèbre Protocole, mais à aller au-delà et plus rapidement dans ses objectifs.
L’exemple donné par ce pays et ses dirigeants peut donc sembler instructif à faire connaître au public international, d’autant que des gouvernements, signataires ou non de l’Accord de Kyoto, ne semblent pas manifester le même zèle pour protéger notre planète.
Un plan complet diversifié, des budgets élevés et une orientation assumée
Le 2 juin, après que la Ville de Taïpei ait annoncé des mesures de réduction de consommation d’électricité dans ses édifices publics municipaux, le gouvernement annonçait un premier train de décisions pour tout le pays.
En voici quelques-unes avec leurs objectifs chiffrés :
- Une loi fixe désormais les normes strictes de consommation des divers appareils ménagers consommateurs d’énergie. Tous les appareils ménagers devront être obligatoirement conformes à ces normes standards en 2011. Pour permettre la mise en ouvre de ce texte, un accord national a été passé avec les branches industrielles qui produisent ou importent ces appareils. Cela permettra de baisser la consommation nationale électrique de 620 millions de kw/heure, soit un équivalent de 42 tonnes de CO² par année.
- La modification des ampoules d’éclairage, tant publiques que privées, afin de ne plus utiliser que celles économes en électricité sera aussi obligatoire, les autres seront interdites de vente. Le but est de baisser ainsi la consommation électrique de 130 millions de kw/heure, soit 8 tonnes de CO² en moins par an.
- Des mesures sur le chauffage et la climatisation de tous les bâtiments publics, le traitement plus "propre" des ordures ménagères et industrielles, l’isolation améliorée des bâtiments publics comme privés, l’encouragement à l’usage des bicyclettes et des moyens de transport collectif, ceci avec le soutien de subventions de l’Etat, ont comme objectif de diminuer les rejets de gaz à effet de serre de 420.000 tonnes par an en 2011.
Enfin, il serait injuste d’oublier dans ce tableau la campagne lancée par l’APE (Administration pour la Protection de l’Environnement) contre la pollution par le bruit, notamment par l’établissement d’une carte nationale des zones ainsi polluées, notamment en ville. L’objectif de cette carte nationale est de définir les sites et les causes précises des bruits polluants afin d’en éliminer les origines matérielles. Il faut savor que cette administration enregistre aussi les plaintes des citoyens relatives au bruit et qu’elle a accueilli en 2005 plus de 37.000 personnes dans ce cas. D’où la décision de s’attaquer aussi à ce fléau qui n’est nullement secondaire puisqu’il est vu comme première source de gêne quotidien par les citoyens interrogés !
Développer l’usage des énergies propres et renouvelables en s’appuyant sur les nouvelles technologies
Taiwan se lance aussi, au même moment, dans un changement radical d’orientation quant à l’environnement, en s’appuyant sur ses capacités industrielles avancées et les résultats de ses chercheurs dans les technologies de pointe.
Ainsi, dès septembre de cette année, tous les véhicules des administrations d’Etat fonctionnant sur Taipei, c’est à dire la quasi-totalité du parc en question, rouleront avec le carburant dit E3 Ethanol. Toutes les stations d’essence du pays devront fournir le carburant dit "vert" en 2011. Parallèlement, tous les secteurs travaillant sur le développement des énergies propres seront encouragées dans leurs études par des contrats d’Etat et des subventions publiques, afin qu’en 2010, 10% de toutes les formes d’énergie utilisées soient d’origine "propre". En clair, il s’agit de promouvoir, de manière "résolue", selon le Ministre de l’Economie, Steve Chen, les énergies solaire, éolienne, fluviale et marine, géothermique et biologioque. En particulier, un effort sera consenti pour l’usage de l’énergie à base d’hydrogène et les voitures à moteur électrique rechargeable. Ainsi, par exemple, pour les voitures, camions et autobus, le diesel B1 sera disponible partout en station-service en 2008 et le diesel B2 en 2010.
Ce dispositif global en faveur de l’environnement va donner aussi un sérieux coup de pouce aux entreprises du pays qui sont investies dans ce qu’on appelle aussi ici "l’économie verte".
Rappelons, pour information, que Taiwan est le premier producteur mondial d’ampoules électriques de basse consommation dites LED. Les prévisions pour le chiffre d’affaires des industries qui interviennent dans les domaines citées, à l’exception du solaire, indiquent que celui-ci passera de 642 millions de $ en 2005 à 1,9 milliard de $ en 2010, avec des créations massives d’emplois à la clé. De son côté, le secteur "solaire" taiwanais annonce un chiffre d’affaires de 1,2 milliard de $ en 2005, un chiffre qui devrait augmenter encore dans l’avenir.
Si le pays compte ainsi bénéficier d’une qualité de l’air, de l’eau et de vie améliorée, les responsables économiques, financiers, et jusqu’aux experts du Trésor Public, sont aussi, de leur côté, satisfaits. Ils estiment que, vers 2015, avec ces mesures et aides publiques, le marché mondial de la protection de l’environnement va se développer très vite. En prenant ainsi de l’avance sur ce terrain, Taiwan pourrait, selon eux, accaparer des parts significatives de ce gigantesque marché en devenir et, en 2015, en retirer un chiffre d’affaires total de plus de 20 milliards de $ sur un montant mondial évalué à 665 milliards de $ ! Visiblement, il semble ici que les intérêts économiques et de l’emploi, donc une réelle anticipation politique de l’économie de demain, rejoignent ceux de la protection de l’environnement.
Paroles de ministre et exemplarité publique
Surtout depuis les récentes négociations tenues en Allemagne sur les problèmes environnementaux, l’opinion publique, qui s’inquiète légitimement des conséquences durables sur le futur de la planète et donc des êtres humains des pollutions actuelles, souhaite massivement que des décisions concrètes et énergiques soient prises dans ce domaine, en lieu et place de discours creux qui ne cachent pas une coupable inaction.
Taiwan montre, dans ce contexte plutôt affligeant, un exemple qui mérite d’être connue et citée en référence. Bien que n’étant pas en général un partisan des citations de ministres, il m’a semblé devoir faire une exception à cette déclaration du ministre taiwanais de l’Economie, Steve Chen, car il me paraît être une invitation à l’action efficace à l’intention de ses homologues américains, russes, chinois et européens :
"la communauté internationale a été pressée de diminuer les émissions de gaz à effet de serre depuis le Protocole de Kyoto qui a pris effet le 16 février 2005. Bien que Taiwan ne soit pas membre de l’ONU, et donc aucunement partie prenante du Protocole de Kyoto, , nous, en agissant comme un membre responsable de la communauté de la planète, ne pouvons nous permettre de nous isoler nous-mêmes".
Et d’annoncer les mesures que cet article détaille.
Sources des données citées dans l’article : articles détaillées du "Taipei Times" des 2 et 12 juin 2007 |