Tout “fout” le camp, mesdames et messieurs ! Jugez plutôt : les Etats-unis, symbole jusqu'ici de l'ultra-libéralisme ouvrent désormais la voie à la rébellion des têtes dirigeantes et néanmoins pensantes ... Karl Marx s'en retournerait presque dans sa tombe ...
Par Elisabeth Studer le 18 juin 2007
Car tout de même, l'affaire pourrait créer pour le moins la surprise : un groupe de chefs d'entreprises américains, syndicats et organisations spécialisées a appelé lundi les entreprises à cesser de donner aux marchés financiers des objectifs de résultats trimestriels. Mais leur raisonnement qui intègre une vison long terme de la bonne marche de l'entreprise n'est pas dénué de fondements.
Dans un document baptisé "Principes d'Aspen", paru lundi, le groupement a aussi émis une série de recommandations sur les rémunérations des dirigeants, qui ont atteint des records ces derniers mois.
L'appel à supprimer les objectifs trimestriels, souvent utilisés par les investisseurs pour acheter ou vendre des actions, est en partie provoqué par l'activité des fonds spéculatifs, a expliqué le groupement.
"La signature des Principes d'Aspen par un groupe si varié marque une pierre blanches dans l'histoire économique", a jugé la PDG de Xerox, Anne Mulcahy, qui préside aussi une table ronde sur la gouvernance des entreprises. Cette charte est également soutenue par des géants comme le fabricant de boissons PepsiCo, le groupe pharmaceutique Pfizer et le distributeur spécialisé Office Depot, entre autres.
La plupart des entreprises cotées aux Etats-Unis communiquent aux analystes des objectifs de résultats trimestriels, avant de publier leurs résultats officiels. Beaucoup d'analystes exigent de telles prévisions, mais les signataires des Principes d'Aspen soulignent que cette mise en avant des résultats à court terme forcent les entreprises à éviter de faire les investissements à long terme nécessaires à leur avenir. Pas totalement infondées comme réflexions tout de même, et qui devraient au final faire mûrement réfléchir ...
Les entreprises qui ne réalisent pas leurs objectifs sont souvent sanctionnées par les marchés, les investisseurs et les fonds spéculatifs réalisant de grosses transactions basées sur la différence entre les prévisions et le résultat effectif.
Cet appel est également soutenu par la table ronde pour la gouvernance des entreprises, qui rassemble les patrons de grandes entreprises, ainsi que par le syndicat AFL-CIO, le Conseil des investisseurs institutionnels et le fonds de pension de l'Etat de New York. Certaines grandes firmes de conseil, comme Ernst & Young et Deloitte & Touche, ainsi que l'ex-président de la SEC (le régulateur boursier américain) William Donaldson ont eux aussi contribué à ce document.
Le groupement a en outre appelé à réformer les méthodes de rémunérations des patrons, notamment en demandent que les cadres dirigeants soient obligés de conserver des actions de leur groupe pendant un certain temps après en être partis, afin de les lier sur le long terme à la croissance du groupe. Tiens si Noël Forgeard avait pu être logé à la même enseigne ... une manière en quelque sorte de “sanctionner” de manière très concrète la bonne ou mauvaise gestion des dirigeants ...
Pour rappel, en janvier dernier, le président américain George W.Bush avait effectué une visite surprise à la Bourse de New York après avoir mis en garde quelque heures auparavant les PDG des entreprises américaines contre la hausse astronomique de leurs émoluments.
Demande est faite également que le comité des rémunérations des entreprises soit composé d'administrateurs complètement indépendants, appelant à davantage de transparence sur le montant exact des primes octroyées au dirigeants.
Cette demande répond au tollé suscité en janvier dernier par l'indemnité de départ de 210 millions de dollars accordée à l'ex-PDG du numéro un américain du bricolage Home Depot Bob Nardelli, malgré la chute du titre, et aux critiques surgies après la prime de retraite de quelque 400 millions de dollars reçue par l'ex-PDG d'ExxonMobil Lee Raymond.
Cette charte, qui paraît peu avant la vague de publication des résultats du second trimestre des entreprises américaine, a été en partie élaborée avec l'Institut Alpen, une organisation à but non lucratif spécialisée dans les questions de gouvernance .
Au mois de janvier, George W. Bush avait également mis en garde les PDG des entreprises américaines contre les abus dans leurs rémunérations. "Les entreprises américaines ont des responsabilités (...) et une économie vibrante et libre dépend de la confiance du public", avait souligné M. Bush. "Les actionnaires doivent savoir quelles sont les rémunérations des dirigeants", a-t-il souligné, tout en affirmant que "le gouvernement ne doit pas décider de la paie des responsables d'entreprises".
“Les salaires et bonus des PDG devraient être basés sur leur capacité à améliorer leurs entreprises et à apporter de la valeur à leurs actionnaires", avait souligné M. Bush en appelant les Conseils d'administration "à faire face à leurs responsabilités". "Il faut montrer au monde entier que les entreprises américaines sont un modèle de transparence et de bonne gestion", avait-t-il encore déclaré. Vaste sujet ... alors que les salaires et compensations des PDG américains ont littéralement explosé au cours de la dernière décennie.