Par Dan Vogel, président et co-fondateur d’Enablon, éditeur français de logiciels destinés à aider les entreprises à réduire leurs émissions de gaz de serre, éliminer les accidents du travail et à gérer et piloter les risques environnementaux, sociaux, juridiques et financiers associés à leur développement.
Le dernier remaniement ministériel témoigne de la volonté du nouveau gouvernement français de garder le cap d’un ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durable fort. Au cœur de toutes les préoccupations, le développement durable semble s’imposer comme une véritable idéologie, rempart contre le réchauffement climatique et espoir d’un nouveau libéralisme plus responsable.
De son coté, le Président américain, lors du dernier G8 a initié sur ce sujet une maigre avancée des Etats-Unis, grands absents du protocole de Kyoto. Au terme de ce sommet, pas d’engagement mais les 8 pays les plus riches de la planète ont exprimé le « souhait » de réduire de 50% les émissions de Gaz à Effet de Serre à horizon 2050.
Au delà de ce résultat en trompe-l’œil, certains voient dans l’annonce américaine une manœuvre pour prendre le leadership sur les discussions en cours contre le réchauffement climatique. Peut-être… Il n’en reste pas moins que les français ne doivent pas s’endormir sur leurs lauriers. La position de Bush au G8 est celle du Gouvernement Fédéral, mais pas celles de toutes les entreprises américaines qui ont vite compris ce que pouvait leur rapporter une meilleure gestion environnementale.
La France première et pourtant…
La France était en avance en votant dès 2001 la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) qui impose aux entreprises cotées de rendre compte de leurs impacts environnementaux et sociaux. Ainsi, un reporting systématique et précis sur des indicateurs environnementaux, sociaux et sociétaux s’est développé dans des entreprises françaises plus vite et mieux que dans n’importe quel autre pays. On peut alors s’étonner de voir 19 entreprises américaines et seulement 6 françaises, dans le classement des 100 sociétés mondiales les plus impliquées dans le développement durable publié en 2007 à Davos par le magazine Corporate Knights et le cabinet de conseil Innovest Strategic Value Advisors.
En fait, les Etats Unis n’ont pas attendu le Gouvernement fédéral pour agir et certains états pour légiférer. En Californie, Arnold Schwarzenegger a fait voter en 2006 une loi visant à diminuer de 25% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. En avril 2007, le magazine Fortune titrait « Green is good » et le « Governator » y déclarait : « en Californie, les industries Clean Tech, les technologies propres, sont entrain d’exploser ». Al Gore dont les conférences et le documentaire oscarisé contribuent à la prise de conscience mondiale déclarait dans le même Fortune : « les technologies propres deviendront un passage obligé où de plus en plus d’investissements et d’énergie vont converger. »
Le nerf de la guerre
Voici donc le nœud de l’histoire : le business ! Si le pouvoir législatif encourage ou contraint, les lois du business motivent. Certaines entreprises américaines ont compris le profit qu’elles pouvaient tirer du développement durable devenu un véritable business en soi. La Silicon Valley s’enflamme pour le « green business ». En 2006, 725 millions de dollars y ont été investis dans le solaire, l'éolien, les biocarburants ou encore l'efficacité énergétique, 3 fois plus qu'en 2005. Selon le cabinet Cleanedge, la part du capital risque investi aux Etats Unis dans les technologies liées à l’énergie est passée de 4,2% en 2005 (917 millions de $) à 9,4% (2,4 milliards de $) en 2006.
Au-delà de nouvelles opportunités, les entreprises américaines ont compris la contribution du développement durable au business existant. Une meilleure gestion environnementale et sociale permet de réduire les coûts et les risques. Les entreprises mettent en place une organisation et des outils pour suivre les accidents du travail, capitaliser sur les méthodes de prévention, d’un site à un autre… Ce qui se traduit par une meilleure qualité de travail, une baisse de l’absentéisme et des économies substantielles.
La troisième voie
Les entreprises françaises quant à elles, viennent de la transparence pour aller vers le business. La loi NRE a obligé les grands groupes français à mieux communiquer faisant progressivement du développement durable un formidable outil de management et de pilotage. Selon une étude Enablon/HEC, 2 fois plus d’entreprises françaises qu’en 2006, utilisent le reporting développement durable dans une démarche d’amélioration de la performance environnementale. Cela explique en partie le triplement du nombre d’entreprises françaises du classement Global 100 en 2007. La tendance est là : les entreprises françaises voient de plus en plus le développement durable comme un avantage concurrentiel et un moyen de réduire les risques. Entre idéologie et business, une troisième voie se dégage capable de répondre aux appétits économiques et aux défis que pose l’avenir de notre planète car le développement durable est le développement vertueux que le monde appelle de ses vœux. Face à des projets d’une telle ampleur, la France a toujours su historiquement catalyser les énergies et les réflexions et aider le monde à passer d’un modèle à un autre. En matière de développement durable, la France doit faire preuve du même élan et continuer d’ouvrir la voie.
Dan Vogel
Président et co-fondateur d’Enablon, éditeur français de logiciels destinés à aider les entreprises à réduire leurs émissions de gaz de serre, éliminer les accidents du travail et à gérer et piloter les risques environnementaux, sociaux, juridiques et financiers associés à leur développement.