Mais désormais, les pluies tropicales, qui rempliront bientôt le plus grand barrage du pays, annoncent un changement radical pour la population de l'un des pays les plus pauvres d'Asie du Sud-Est.
Le barrage de Nam Theun II, projet controversé dans les tuyaux depuis plus de dix ans, devient une réalité. Fin 2008, selon les ingénieurs, son réservoir aura inondé 450 kilomètres carrés du plateau du Nakai, terre de 6.200 habitants à 250 kilomètres au sud-est de Vientiane.Sur le site, quelque 8.000 ouvriers s'activent pour déplacer de la terre, éclaircir les forêts et faire sauter les roches pour bâtir ce projet de 1,45 milliard de dollars (1,07 md EUR), construit par le consortium NTPC emmené par Electricité de France (EDF).
Une fois opérationnel, encore un an plus tard en décembre 2009, le barrage devrait donner un coup de fouet au développement économique de ce pays enclavé, où la plupart des six millions d'habitants sont des agriculteurs qui vivent avec moins de deux dollars par jour, estiment ses promoteurs. La quasi-totalité (95%) de l'électricité produite sera vendue à la Thaïlande. Sur 25 ans, le Laos pourrait en tirer des revenus estimés à deux milliards de dollars (1,47 md EUR), expliquent-ils. Mais pour ses détracteurs, le barrage est synonyme de destruction de terres, de forêts, et affectera deux affluents du Mékong en même temps que la vie d'au moins 70.000 personnes qui vivent dans leurs bassins hydrographiques. En février, un groupe d'experts indépendants mettait en garde contre le retard pris dans les programmes de relogement et de compensation de la population. NTPC construit des maisons plus grandes, des écoles et des cliniques pour les villageois déplacés. Mais le consortium, qui pointe le manque de bois de construction, reconnaît que des centaines de familles n'ont toujours pas de nouveau foyer. Parmi les opposants au projet, l'organisation américaine International Rivers Network met en garde contre le risque que les populations, relogées sur des sols plus pauvres, ne puissent pas produire assez de nourriture. Lors d'une visite du site organisée cette semaine par NTPC, des villageois ont indiqué que le consortium avait arrêté il y a plusieurs mois de distribuer les rations de viande et de poisson destinées à les aider jusqu'à ce qu'ils subviennent eux-mêmes à leurs besoins. Interrogé, un responsable de NTPC a expliqué que les autorités locales avaient décidé d'arrêter ces distributions pour éviter que ne s'installe une dépendance, mais que du riz était toujours fourni. International Rivers Network met aussi en avant les risques accrus d'érosion et de détérioration de la qualité de l'eau en raison de l'augmentation des sédiments. "Les programmes sociaux, en particulier le relogement, ont démarré lentement", reconnaît Patchamuthu Illangovan, responsable au Laos de la Banque mondiale, qui soutient financièrement le projet. Mais selon lui, les préoccupations sociales sont maintenant prises en compte. Et il préfère mettre en avant les retombées économiques du barrage. "Le projet a une importance énorme pour le Laos", estime-t-il. "Si Nam Theun II est fait correctement, il sera un modèle de ce que le Laos peut faire en matière de développement énergétique hydraulique responsable et de fourniture (d'énergie) à la région dans son ensemble". Le pays communiste aussi a conscience de la carte qu'il a à jouer. "Le gouvernement veut tranformer le Laos en batterie de la région", explique le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Yong Chanthalangsy. "Nam Theun II est un des moyens d'atteindre cet objectif".