G.R.A.I.N. : Genetic Ressources Action International, existe depuis 1990. Créé à un moment où peu d'officiels discernaient l'importance de la diversité des plantes cultivées (et sauvages, leurs parentes) pour l'avenir de l'agriculture et du genre humain. http://www.grain.org/front/
Au sein de l'institution mondiale FAO (Food and Agriculture Organization), la pression de l'agronomie industrielle, sa machinerie, ses monocultures, ses clones et ses toxiques, s'aggravait. Les grands instituts de recherche sur le riz et le blé ouvraient leurs collections de "semences de pays" aux firmes en quête d'exclusivité. Le monde rural ne pouvait se défendre seul. ONG, Grain a donc décidé de travailler, en anglais, depuis Barcelone en Espagne à renforcer les savoirs paysans.
Aujourd'hui, Grain possède quinze représentants dans neuf pays, mais son réseau de collaborateurs s'étend bien au delà. L'ONG maintient une veille juridique et technique sur les semences et pilote le site Internet trilingue. Elle a coordonné le projet Growing diversity, : 80 expériences de gestion des ressources végétales par des associations dans 37 pays. Elle édite aussi des journaux, dont le bulletin d'Afrique francophone : Les Semences de la biodiversité et Biodiversidad, un magazine latino-américain. Sa publication phare, en deux couleurs sur papier recyclé et glacé, Seedling (« jeune pousse ») paraît en fait depuis 1982. Sa lecture nous entraîne dans un tour du monde très savant.
Quelques exemples :
Juillet 2006 : les plantations industrielles d'arbres se multiplient en Amérique du sud. Pins et eucalyptus, destinés à la planche et la pâte à papier, croissent à haute vitesse asséchant les cultures vivrières et les sources. On les appelle "soldats verts " au Chili, parce qu'ils dévastent, marchent en rangs serrés et avancent depuis la dictature d'Augusto Pinochet. Souvent, la firme loue la terre 19 dollars par hectare et par an, pour l'abandonner dix ans plus tard, hérissée de souches, gavée d'insecticides et épuisée : non seulement les pins et les eucalyptus ont stérilisé les sols, mais ces monocultures, comme toujours, ont attiré les parasites qu'il a fallu "traiter". Des Amérindiens de divers pays et le syndicat Via Campesina coopèrent pour récupérer les terres et faire casser ces contrats. Pire, en Chine on plante des arbres OGM. Il s'agit de peupliers insecticides dits BT (qui expriment des toxines de Bacillus Thuringensis). Le pollen des arbres voyage à des centaines de kilomètres. Devant les incertitudes sur l'impact d'arbres OGM sur la subsistance des populations et la faune, la Convention la Biodiversité
Seedling évoque ensuite la bataille des OGM en Europe, les droits de reproduction qui lèsent les musiciens traditionnels indo-pakistanais et l'origine industrielle de la grippe aviaire. Deux sujets au sommaire : le premier l'aquaculture des crevettes en Asie pour l'exportation qui a arasé les mangroves, forêts immergées, pourvoyeuses d'abondance et seul rempart utile contre les tsunamis et personne ne sait comment rattraper les poissons géants transgéniques que l'on prévoit d'y élever, si d'aventure ils s'échappaient. Le second porte sur le Sénégal. Menacé d'invasion de nourriture et coton OGM, il pourrait se doter d'une loi cadre sur la biosécurité.
Seedling critique aussi le projet pour l'Afrique de la fondation Bill et Melinda Gates (de Microsoft) : cette nouvelle révolution verte à 100 millions de dollars peut-elle réussir si la première a échoué ? Gates se trompe, selon Grain, en croyant que le problème c'est l'Afrique (qui n'utilise pas les variétés productives), plutôt qu'une technologie inadaptée. Obtention en cinq ans de 200 nouvelles variétés, vendues avec les crédits, la formation, les engrais chimiques et les pesticides qu'il leur faut, au mépris de la diversité, des contraintes écologiques et des savoirs locaux : la recette pour le désastre semble avancée.
Marie-Paule Nougaret