Plusieurs centaines de milliers de salariés exposés à des produits cancérigènes
Ils sont "cancérigènes", "mutagènes" ou "reprotoxiques". L'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a étudié l'usage de 324 agents chimiques "CMR", couramment utilisés dans le milieu professionnel en France, en 2005. Ce travail a été confié à l'INRS par le ministère du travail, qui souhaitait estimer le nombre d'employés exposés à ces substances, dont on connaît encore mal l'utilisation par l'industrie.
L'INRS a sondé un échantillon représentatif de 2 000 entreprises couvrant 30 secteurs d'activité. En 2005, "près de 4,8 millions de tonnes de ces agents toxiques ont été utilisées, soit environ 500 000 personnes potentiellement exposées, essentiellement dans l'industrie chimique et pharmaceutique, chez les fabricants de peintures, de matières plastiques et de détergents", souligne Raymond Vincent, chercheur à l'INRS et auteur de cette étude, rendue publique lundi 8 janvier et disponible sur le site de la revue de l'INRS, Hygiène et santé au travail.
"Les industries pharmaceutique et chimique sont les principaux consommateurs primaires d'agents chimiques CMR même si ceux-ci sont largement utilisés dans un grand nombre de secteurs d'activité", précise l'INRS notant l'importance des industries pétrolières. D'une manière générale, il y a une très grande disparité dans les constats de l'étude, tant pour l'utilisation des substances que pour le nombre de personnes exposées. Ainsi, 100 000 employés de l'industrie pharmaceutiques sont exposés à des degrés divers, note l'INRS.
Parmi les substances cancérigènes les plus incriminées figure le benzène, auquel seraient exposés plus de 35 000 salariés de l'industrie, notamment dans le secteur de la chimie organique (fabrication de résines, colles...) et de la pharmacie. Autre produit pointé du doigt : le formaldéhyde, utilisé dans la fabrication des panneaux de bois, la pharmacie (désinfectants, comme le formol) et l'industrie textile (cuirs). Plus de 42 000 salariés y sont potentiellement exposés, note l'étude, dont plus de 12 000 dans le secteur de la pharmacie.
APPLICATION DIFFICILE DE LA RÉGLEMENTATION
Parmi les autres agents toxiques les plus courants, l'INRS relève le toluène, utilisé comme solvant pour les encres d'imprimerie (13 500 salariés potentiellement exposés), le phénol, employé pour la fabrication de produits chimiques (4 000 salariés), ou encore le 1,2-dichloroéthane, utilisé dans la fabrication de médicaments et du PVC (5 600 salariés).
"La réglementation française est considérée comme bonne, précise-t-on à l'INRS. La question est celle de son application." Suite à son étude, l'INRS a participé à des inspections du travail en 2006, dont les résultats seront connus courant janvier. Le ministre Jean-Louis Borloo pourrait alors annoncer des mesures.
Après l'adoption de la directive Reach par le Parlement européen, les pays de l'UE doivent collaborer pour étudier 30 000 des 100 000 substances chimiques industrielles utilisées actuellement. Aujourd'hui, seules 3 000 ont été évaluées. La France, numéro deux de la chimie européenne avec 16 % de la production, devrait contribuer en proportion à cet effort, a dit en décembre Philippe Huré, directeur du Bureau d'évaluation des risques des produits et agents chimiques (BERPC) : "Jusqu'à aujourd'hui, la France était plutôt en retard au niveau des moyens mis en place pour suivre toutes ces activités réglementaires".