Les acteurs du secteur misent sur le tourisme écologique, un marché de niche naissant, qui devient également un argument marketing.
Fini le « sea, sex and sun », l'heure est au tourisme écologique. Dans la lignée du voyage éthique ou solidaire, ces prestations et logements respectant l'environnement commencent à s'imposer. Et le secteur en fait même un argument marketing. Le respect de l'environnement figure dans les notions clefs du tourisme responsable
Le lancement de l'agence Ushuaïa Voyages, qui propose des voyages « dans une démarche de développement durable », est emblématique du mouvement. Elle s'appuie sur des thèmes comme « aventures et expéditions », « peuple et histoire », ou encore « actions humanitaires ». Les clients peuvent ainsi participer à une mission de sevrage d'orangs-outangs à Bornéo en Malaisie. Richard Charbonneau, fondateur de l'agence haut de gamme Privilège Univers Voyages (15 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2006), a acheté à TF1 Entreprises la licence d'exploitation de la marque Ushuaïa, issue de l'émission de Nicolas Hulot et déjà déclinée en produits cosmétiques et publications. Avec un investissement initial de 400.000 euros, il entend miser sur ce que génère la marque. Public ciblé : les « jeunes seniors jusqu'à soixante-cinq ans, qui peuvent s'offrir des voyages lointains d'au moins 2.000 euros », détaille-t-il. Il met en avant la charte établie avec la fondation de Nicolas Hulot, qui fixe des critères tels que le choix de logements en « écolodges », le respect des populations locales, ou encore le recours à des prestataires locaux. Pour s'assurer une forte visibilité, l'agence de voyages en ligne a noué des contrats de distribution avec Expédia.fr, Voyages-sncf.com et Anyway.
Logements éco-conçus
Un lancement diversement accueilli par d'autres acteurs spécialisés dans l'écotourisme. « Le catalogue en ligne d'Ushuaïa Voyages ne précise pas comment ils travaillent avec les populations locales, et dans quels lodges écologiques sont hébergés leurs clients », critique Pascal Languillon, président de l'Association française d'écotourisme, qui regroupe depuis 2005 une quinzaine d'agences et associations.
Une chaîne comme Nature et Découvertes affiche elle aussi des offres, avec, depuis quatre ans, des « itinéraires découvertes », en partenariat avec l'agence de voyages Saïga. Les clients peuvent ainsi partir « étudier des mammifères marins en mer de Ligures ». Mais cette activité de tourisme semble modeste. Quant à certaines associations, elles proposent déjà au touriste jusqu'au-boutiste de s'engager par l'écovolontariat. Il peut aller protéger des tortues marines en Grèce avec l'association A pas de loup, ou encore s'occuper d'oursons orphelins en Russie avec Ecovolontaires.
De leur côté, des géants du tourisme misent sur des offres de logements écoconçus pour s'implanter sur ce marché naissant. L'américain Starwood Capital Group a annoncé pour fin 2008 sa gamme « 1 », des hôtels et résidences haut de gamme répondant à des critères de respect de l'environnement, conçus avec le National Resources Defense Council, un organisme de défense de l'environnement.
En France, VVF Vacances communique sur ses logements conçus selon les nouvelles normes environnementales. Dans le cadre d'un programme de rénovation de 56 sites, « nous allons installer des capteurs solaires, des systèmes de récupération de l'eau de pluie, et nous aurons des sites écoconstruits, à base de bois », précise Serge Bornand, directeur des travaux et de la direction technique du patrimoine de VVF. Quant à Cap France, un réseau d'une centaine de villages de vacances, il a lancé l'année dernière son propre label « Chouette nature ». Ses sites labellisés s'engagent à appliquer la charte écologique du réseau, passant par le tri sélectif ou par l'achat de produits issus de producteurs locaux et du commerce équitable. « Nous avons voulu formaliser ces pratiques, en proposant ce label aux villages volontaires », précise Jean-Michel Coëffé, directeur général de Cap France.
Autre démarche : le réseau de campings écologiques haut de gamme Huttopia, lancé en 1999 « pour sortir le camping de son image «beauf», et mettre en avant ce mode de vacances par essence écologique », explique Philippe Bossanne, son fondateur. Avec un chiffre d'affaires de 3,7 millions d'euros en 2006, il comptera cet été huit sites. Huttopia propose des tentes canadiennes, des roulottes et des cabanes en bois, et a développé des activités de découverte de l'environnement avec l'Office national des forêts. Le coeur de cible est « une clientèle citadine qui veut faire découvrir la campagne à ses enfants. Mais la même peut partir à l'étranger avec le Club Med », nuance Philippe Bossanne.
Surenchère de labels
Sur ce créneau émergent du tourisme « écolo », les labels se multiplient. Ainsi, le WWF délivre- t-il un label Gîtes Panda, qui couvre actuellement 300 hébergements. Ces derniers doivent respecter certains critères : être implantés sur un parc naturel, agréés Gîtes de France, et « le propriétaire doit s'impliquer de façon concrète, par exemple dans la préservation d'espèces naturelles, ou par l'économie d'énergie », précise Jean-Christophe Poupet, chargé du programme tourisme durable à WWF France. A côté de cela, Gîtes de France délivre lui-même un label Eco-Gîtes.
Le voyageur a de quoi s'y perdre. « Il y a une surenchère de labels concurrents : on en compte une centaine pour l'écotourisme et le tourisme durable », pointe Pascal Languillon. Certains dénoncent aussi le « greenwashing », par lequel des géants du secteur s'assurent un vernis écologique. « Ils surfent sur la vogue de l'écotourisme, notamment sur la notion de compensation des émissions de gaz carbonique », critique Jean-Christophe Poupet. De fait, nombre de tour-opérateurs et de compagnies aériennes mettent en avant leur politique d'incitation à la compensation du CO2 émis par les avions transportant les touristes à l'étranger. Une action laissée à l'appréciation du consommateur, mais aussi à son porte-monnaie.
Dans toutes ces pratiques émergentes, le client doit ainsi faire le tri, alors que dans un sondage TNS Sofres d'avril dernier, 52 % des sondés mettaient en avant le respect environnemental parmi les notions clefs du tourisme responsable, mais souhaitaient être mieux informés. Un système cohérent de labellisation ou de certification, comme dans le commerce équitable, lui permettrait d'y voir plus clair.