Nous ne pourrons jamais oublier ce jour terrible, ce jour où l'homme perçant l'un des mystères de la matière retournait son énergie prodigieuse contre lui-même.
« Little Boy » était le nom dont les militaires américains avaient affublé la première bombe atomique, suprême dérision ! Elle fut lâchée par grand beau temps d'un avion solitaire apparemment inoffensif, car on était habitué aux escadrilles de bombardiers. Du petit point qui brillait dans le ciel, elle tomba au centre de la ville d'Hiroshima. Ce fut pire que tous les bombardements subis jusqu'alors, pire que mille foudres, pire que des années de siège. Tout était détruit à la ronde, y compris les installations sanitaires (hôpitaux, dispensaires, etc.).
La ville anéantie était incapable de soigner les innombrables blessés, affreusement brûlés pour la plupart et, on le sut plus tard, frappés par un rayonnement qui allait prolonger la mort pour des années. Et puis, quelques jours plus tard, on renouvela l'atroce sur Nagasaki. Oui, le Japon demanda alors la paix. Oui, la vie de nombreux soldats des deux camps fut épargnée, mais à quel prix ? Certes, on avait détruit des villes entières tout au long de la guerre (Hambourg, Dresde, Coventry, par exemple) et l'atroce était déjà présent dans ce conflit. Mais, cette fois, la capacité de destruction instantanée et totale était multipliée de manière inimaginable. ... pour le meilleur et pour le pire L'atome avait surgi dans nos vies, d'abord pour le pire. On le domestiqua par la suite, pour le meilleur pensions-nous : fournir l'énergie à une humanité de plus en plus mécanisée. Mais on en vit assez vite les limites, notamment pour l'environnement et en cas d'accident. Mais aussi à cause des déchets dont on ne sait comment se débarrasser sans risques puisqu'ils vont rayonner durant des siècles. Il est probable que nous ne pourrons éviter de recourir encore davantage et peut-être pour longtemps à ce genre d'énergie. Mais s'il faut le faire, ce doit être en connaissance de cause. Plusieurs centrales ont explosé : Three Miles Island aux États-Unis, Tchernobyl en Ukraine. Récemment, un tremblement de terre a ébranlé la plus grande centrale atomique du Japon. Les risques existent donc et l'on se demande comment on pourrait s'en protéger totalement. C'est sans doute impossible. Par ailleurs, nous continuons à fabriquer des bombes de plus en plus puissantes qui peuvent être lancées en tout point de la planète. On les dit propres, moins sales en tout cas, moins irradiantes que les premières. Mais que se passerait-il en cas de conflit atomique généralisé, si l'on songe aux dégâts, enfin reconnus, que causa par exemple l'explosion de Tchernobyl ? Oui, notre civilisation dite moderne appelle toujours plus d'énergie. Notre sécurité exige, dit-on, toujours plus de puissance pour nos armes. Mais tout cela est-il, en définitive, raisonnable ? Ne mettons-nous pas en péril l'avenir de notre planète, donc l'existence même de notre humanité ? Car, enfin, n'est-il pas illusoire de croire que le progrès se suffit à lui-même, notamment en produisant, en même temps que les risques qui lui sont inhérents, les moyens d'y faire face ? Rien n'est moins sûr. Alors même que nous sommes arrivés à un moment où les armements atomiques sont probablement en train de proliférer et où l'énergie atomique devient plus indispensable, ne convient-il pas que les responsables du monde entier, politiques ou religieux, se reposent l'ensemble de ces questions ?