Les apiculteurs et les agriculteurs, parfois en conflit sur l'insecticide Gaucho ou les OGM, savent aussi s'entendre à l'occasion, en témoigne le développement des jachères apicoles visant à essayer d'endiguer la surmortalité des abeilles.
Au menu: trèfles, phacélies, lotiers et mélilots. Ces fleurs riches en pollen ont été semées à l'attention des abeilles, capables de parcourir jusqu'à trois kilomètres pour dénicher le précieux nectar. "Ici, elles vont manger quatre sortes de fleurs différentes, explique Daniel Gergouil, apiculteur à Castillon-la-Bataille, près de Libourne. C'est comme vous: plus vous mangez varié, en meilleure santé vous serez. Si vous ne mangez que du riz et du poulet, vous allez développer des carences..." Ce vétérinaire spécialiste des abeilles s'est ainsi entendu avec des agriculteurs locaux. La politique agricole commune (PAC) impose aux céréaliers de laisser 10% de leurs terres en jachère, contre versement d'une prime. La démarche des promoteurs des jachères apicoles est donc de les rendre utiles, aux abeilles mais aussi aux agriculteurs dans une "logique gagnant-gagnant". "Ici, poursuit M. Gergouil, il y avait du chiendent. Le fait de mettre un couvert végétal fait que le chiendent meurt étouffé. Vous le désherbez donc naturellement." Bernard Gauthier, 48 ans, agriculteur, a ainsi accepté de laisser 3,5 hectares à disposition des abeilles de l'apiculteur, dont l'un des ruchers se trouve à 1,5 km. "C'est beaucoup plus joli d'y semer des fleurs que de voir des herbes folles, et en plus ça sert", témoigne l'agriculteur. Pour la deuxième année de l'expérience, le réseau Biodiversité pour les abeilles a étendu la surface consacrée aux jachères apicoles de 400 à 1.000 hectares en France (dans 41 départements). Avec quels résultats? "Il est difficile de mesurer l'effet après une seule année, répond Philippe Lecompte, le président du réseau. Dans l'idéal, il faudrait répéter l'expérience pendant trois ans au même endroit. Mais toutes les informations récoltées vont dans le même sens: il y a plus de miel." Une bonne nouvelle pour des apiculteurs dont l'activité traverse une crise depuis dix ans. En février, une quarantaine de députés de tous bords avait d'ailleurs demandé une commission d'enquête parlementaire afin de faire toute la lumière sur la surmortalité des abeilles. "On s'est rendu compte qu'il y avait un rapport entre la baisse de la variété floristique et la baisse du nombre de pollinisateurs", rappelle M. Lecompte pour souligner "le rôle important" des abeilles dans le maintien de la biodiversité. Cette politique de jachères apicoles pourrait toutefois être contrariée par la récente proposition de la Commission européenne de mettre fin aux jachères à l'automne 2007 et au printemps 2008 pour faire face à la baisse de la production mondiale de céréales. "S'il n'y a plus de prime sur les jachères, je ne pourrai pas laisser mes terres sans culture", constate ainsi l'agriculteur Bernard Gauthier. |