3.200.000 kilomètres carrés. C’était tout ce qui restait de banquise dans l’océan Arctique, le 22 août. L’image par des scientifiques de l’université d’Urbana (Illinois, Etats-Unis), n’a pas d’équivalent depuis 1978, quand a débuté la surveillance de la banquise par les satellites de la Nasa. Le précédent record, quatre millions de kilomètres carrés en 2005, a été pulvérisé.
Libre de glace. «Pas vraiment», répond Hervé Le Goff, ingénieur de recherche CNRS au laboratoire Locean (2). «Si la variabilité interannuelle est forte et encore mal comprise, la tendance à la diminution de la banquise lors de son minimum annuel, à la fin de l’été, est un signe clair de l’évolution climatique de notre planète.» Les simulations sur ordinateur du climat futur, bousculé par les émissions de gaz à effet de serre, prévoient que les zones boréales vont se réchauffer deux fois plus vite que la moyenne.
Et même «qu’entre 2040 et 2060, l’Arctique sera une mer libre de glace à la fin de l’été», précise Le Goff. La dérive du navire Tara, où sont embarqués des instruments du laboratoire pour étudier la banquise, l’océan sous-glaciaire et l’atmosphère, illustre l’importance des changements géographiques du Grand Nord. Moins étendues, moins épaisses, soumises à des vents plus forts, les glaces dérivent à vitesse accélérée. La dérive du navire mis volontairement sur la banquise en septembre 2006 pourrait prendre fin dès février 2008, six mois avant la date prévue. Pour le même trajet, le navire de Nansen, à la fin du XIX e siècle, avait mis trois ans. Effet et signe précurseur du réchauffement général, la disparition progressive de la banquise estivale va contribuer à l’accélérer. L’eau absorbe plus d’énergie solaire que la glace, même si ce phénomène pourrait être compensé par la couverture nuageuse. Les océanographes s’interrogent aussi sur le devenir des courants marins arctiques et de leur interaction avec ceux de l’Atlantique nord.
Discussions ardues.
Ce nouvel et spectaculaire indice du changement climatique en cours intervient alors que les diplomates du monde entier se réunissent à Vienne (Autriche) toute la semaine dans le cadre de la Convention climat de l’ONU. Au menu, des discussions pour le moins ardues : comment convenir d’ici 2008 d’un accord sur la poursuite des accords de Kyoto, qui arrivent à échéance en 2012. Or, avec une durée de ratification d’environ trois ans, il faut se mettre d’accord bien avant sur un nouveau cadre d’action internationale si l’on veut éviter un «trou temporel», susceptible de faire s’écrouler les acquis de Kyoto : les engagements sur les émissions des pays riches, les marchés du CO 2 et les mécanismes financiers pour l’accession des pays en développement à des technologies moins émettrices de gaz à effet de serre. Le tout alors que les Etats-Unis s’arc-boutent sur leur refus de prendre des engagements chiffrés d’émissions et que le Canada vient d’annoncer qu’il renonçait à tenir les objectifs fixés par Kyoto.
(1) //arctic. atmos. uiuc.edu/ cryosphere/
(2) Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approche numérique (CNRS, IRD, université Pierre-et-Marie-Curie, Muséum national d’histoire naturelle).