La mousson qui a inondé l'Asie du Sud au début d'août continue de faire des victimes. Les bassins d'eau stagnante mêlée aux contenus d'égout constituent des viviers mortels de maladies diarrhéiques et d'infections cutanées. Au Bangladesh, 100 000 habitants sont déjà atteints par la diarrhée et la dysenterie. Douze habitants en sont morts, d'après les médias locaux. Le bilan pourrait s'alourdir en raison du manque d'eau potable et de l'augmentation du prix des fluides de réhydratation qui soignent la maladie.
Les hôpitaux sont débordés et des tentes en plastique sont montées à la hâte
pour accueillir le flot de patients. Dans les villages isolés, des centres
médicaux sont installés "mais les équipes médicales n'ont pas
suffisamment de matériel", déplore Ramadan Ray, responsable d'une
association de médecins dans l'Uttar Pradesh, situé dans l'est de l'Inde. Alors
que 1 500 habitants y ont été soignés de la diarrhée au cours des dix derniers
jours, l'association évalue à 22 000 le nombre d'habitants touchés par la
maladie. Dans l'Etat voisin du Bihar, un des plus touchés par les inondations,
l'Unicef estime que "les eaux stagnantes constituent une sérieuse
menace pour les 14 millions d'habitants, dont 1,5 million d'enfants."
Les Nations unis évoquent également le risque d'une pénurie alimentaire. "Avec
le recul des eaux, des millions de familles pauvres se retrouvent ruinées par
la perte de leur récolte et de leur bétail", a déclaré Josette
Sheeran, la directrice du Programme alimentaire des Nations unies. Pour les
sinistrés, de retour dans leurs villages, un autre cauchemar les attend. Leurs
maisons sont en ruine, leurs récoltes détruites, les rares plantations encore
en terre pourrissent, et des carcasses d'animaux gisent, éparpillées, sur le
sol boueux. Les organisations non gouvernementales (ONG) sur place rapportent
des cas de suicides d'agriculteurs. L'Etat du Bihar a demandé aux banques de
suspendre les demandes de remboursement d'emprunts auprès des familles
sinistrées.
L'aide alimentaire, cruciale pour la survie des sinistrés, peine à arriver.
Les hélicoptères peuvent difficilement se poser dans les zones encore inondées
et larguent des vivres au-dessus des habitations. "Les sacs en
polyéthylène sont tellement fragiles qu'ils éclatent sur le sol et la
nourriture prend l'eau. Aucun vivre n'est destiné aux nourrissons et aux
enfants, qui sont pourtant les plus menacés", constate avec amertume
Vinay Odar, responsable de l'ONG ActionAid au Bihar. Avec la réouverture
progressive des routes, l'Inde devrait cesser dans les prochains jours le
largage aérien de produits de première nécessité.
La distribution des vivres, répartie de façon inégale dans les villages,
provoque des émeutes. Au Bihar, des heurts entre la police et des villageois
ont fait quatre blessés et un mort. "Des districts n'ont reçu qu'un
kilo de vivre alors que d'autres, à côté, en ont reçu 25 kilos",
témoigne Vinay Ohdar. Dans l'Etat voisin de l'Uttar Pradesh, où des dizaines de
villages sont encore sous les eaux, "seules les basses castes restent
isolées tandis que les autres ont trouvé refuge dans des villes voisines",
s'indigne le docteur Lénine, du Comité de vigilance sur les droits de l'homme.
D'après l'ONU, "la mousson a été la plus importante de mémoire
d'homme". Ces derniers jours, elle s'est déplacée vers l'ouest, tuant
10 habitants au Gujarat, dans l'ouest de l'Inde et 25 à Karachi, au Pakistan.
Au total, au moins 2 200 habitants ont été tués, et 30 millions sinistrés, en
Asie du Sud depuis le début de juin, soit le double du bilan de l'année 2006.
Alors que, au Bangladesh, la mousson inonde chaque année environ le cinquième
du pays, cet été, la moitié du territoire était sous les eaux. Au Népal, 99
habitants sont morts, pour la plupart, dans des glissements de terrain. L'Inde
est le pays le plus touché avec 20 millions de sinistrés et plus de 1 550
morts.
Les experts accusent les autorités de s'être lancées dans une politique
frénétique de construction de barrages et de digues, aggravant les risques
d'inondation. Bloqués par les digues, les sédiments s'amassent au creux des
fleuves et augmentent le niveau des cours d'eau. "En 1952, le Bihar
avait 152 kilomètres 3 482 kilomètres
L'Inde, qui évalue provisoirement le montant des pertes à 240 millions
d'euros, a refusé toute aide extérieure. Le Bangladesh a accepté une aide
d'urgence de 37 millions d'euros de la part du roi Abdullah d'Arabie saoudite.
EN INDE : les trois Etats de l'Assam, du Bihar, où 1,1 million
d'hectares ont été inondés, et de l'Uttar Pradesh, dans l'est du pays, ont été
les plus durement touchés. Le dernier bilan dressé par le gouvernement pour
tout le pays fait état de 1 550 morts et de plus de 20 millions de sinistrés,
dont 234 000 sont abrités dans 1 100 camps. Au total, 743 000 maisons et 5,3
millions d'hectares de terres cultivées ont été détruits.
AU BANGLADESH :
565 000 hectares
de terres cultivées et
16 000 kilomètres
de routes ont été inondés. 411 habitants ont été tués, et 8 millions sont sinistrés.
AU NÉPAL : 99 habitants sont morts et 300 000 sont sinistrés. 26 500
maisons ont été détruites ou endommagées lors des glissements de terrains.
AU PAKISTAN : les inondations ont fait 222 victimes, dont 22 en fin
de semaine.
LES AIDES :
la Commission
européenne s'est engagée à verser 4 millions d'euros d'aide pour l'Asie du Sud, le Canada 730 000 euros, les Nations unies 15 millions d'euros et l'Arabie saoudite 37 millions d'euros (à destination du Bangladesh).
Julien Bouissou