26.000 hommes de l'Onu devraient bientôt s'installer au Darfour. Selon Jean-Marie Guéhenno, patron des Casques bleus, la tâche se sera pas facile.
Pour Jean-Marie Guéhenno, secrétaire général adjoint de l'Onu : « C'est la première grande opération conjointe entre l'Onu et l'Union africaine », dans l'une des régions les plus enclavées du continent où deux millions de personnes ont été déplacées et vivent dans des camps.
Jusqu'à présent, au Darfour, on mourait dans l'indifférence générale. Comment a-t-il été possible d'arriver à la résolution 1769 ? Elle est vraiment le produit d'une convergence au sein du Conseil de sécurité. Il y avait des pays qui s'étaient mobilisés sur le Darfour, comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, les pays africains qui étaient préoccupés de voir la crise se poursuivre et les pays considérés comme ayant plus de sympathie pour le Soudan (la Chine et ses intérêts pétroliers NDLR) mais qui voient bien aussi qu'il faut arriver à une solution de cette crise tragique. La résolution 1769 est beaucoup plus consensuelle que celle de l'an dernier (lire ci-dessous). Que signifie la référence au chapitre VII de la charte des Nations unies dans la résolution 1769 ? Le chapitre VII permet de se protéger soi-même ou de mettre en oeuvre l'accord de paix sur le Darfour, d'en empêcher toute perturbation, de prévenir les attaques armées et de protéger les civils. Avec une phrase très importante : « Sans préjudice de la responsabilité du gouvernement soudanais. » Ce qui signifie que le rôle de la mission de maintien de la paix n'est pas de se substituer au gouvernement de Khartoum, mais là où il y aurait menace sur les civils de pouvoir intervenir au cas ou ce dernier n'assurerait pas l'ordre public ou la protection des droits de l'homme. Un certain nombre de voix se sont élevées pour estimer que la résolution n'est pas suffisante, notamment parce que les soldats ne pourront pas confisquer ou détruire les armes illégales ? Nous sommes dans le cadre d'un maintien de la paix. Cette mission ne peut réussir qu'avec la coopération des parties en cause, rebelles et gouvernement soudanais. Sinon on est dans un autre cas de figure qui n'est plus le maintien de la paix. Et là, ce n'est plus une force de Casque bleus qu'il faut, c'est autre chose. Cette résolution fait délibérément le choix de la coopération et je pense que c'est un choix réaliste et raisonnable. Que pensez-vous de la rencontre entre mouvements rebelles, le week-end dernier, à Arusha, en Tanzanie, pour tenter d'unifier leurs positions ? C'est très important. Je pense que le processus politique en coulisses est au moins aussi important que le déploiement des troupes. Si cette négociation ne se noue pas, cela veut dire que la force de maintien de la paix doit se battre, en réalité, contre tous. La récente réunion d'Arusha, qui est le fruit des efforts de l'Union africaine et de l'Onu, est importante, car il y avait beaucoup de rebelles représentés. Le déploiement d'une force de 26 000 hommes sur un territoire grand comme la France risque d'être très compliqué ? Ce déploiement est un défi sans précédent. C'est d'abord la première grande opération conjointe avec l'Union africaine. Ensuite, le Darfour est l'une des régions les plus enclavées d'Afrique. Il y a un défi logistique à déployer des milliers d'hommes avec leur équipement, loin de toute côte, avec des infrastructures en mauvais état et de capacité limitée. Cette partie du Soudan est en proie à la sécheresse, le ravitaillement en vivres et en eau va être très compliqué. Enfin, comment avoir un impact solide sur un territoire immense, peu peuplé, avec des villages très dispersés. Comment s'assure-t-on qu'il n'y a pas d'horreurs qui se commettent ? Les planificateurs ont estimé qu'il faut nettement plus d'hommes qu'aujourd'hui (on va passer de 7 000 à 26 000). Il faut néanmoins compenser le relatif manque de soldats par de la mobilité et de la puissance de feu. Il faut des hélicoptères d'attaque, de transport, pour avoir la réactivité nécessaire. Ce qui suppose une implication des États-Unis et de l'Union européenne ? Pour l'infanterie on a une réponse déjà très positive de beaucoup de pays africains. Mais on va avoir besoin de forces de pays riches pour les besoins aéroportés. J'espère que les Européens pourraient répondre à l'appel. Il y a des bruits positifs, notamment des pays nordiques. Et la France ? La France est très engagée au Tchad. Si, en parallèle à la mission du Darfour, se monte une mission au Tchad où l'Union européenne déploierait une force multinationale - ce qui est en projet - la France y jouerait un rôle très important. Il y a donc une répartition des rôles qui est en train de se faire de fait. Recueilli par Jacques ROUIL.