Mir 2, le sous-marin russe, est descendu, hier après-midi, à près de 4 302 m, sous la banquise, «là où il n'y a que des graviers jaunâtres et aucune créature». Deux petits sous-marins sont descendus à la verticale du pôle Nord. Au-delà de l'aspect scientifique, la Russie cherche à revendiquer des territoires.
Un exploit qui aurait pu faire pâlir d'envie les héros de Jules Verne. Après neuf heures passées sous la banquise, les deux petits sous-marins russes ont refait surface hier après-midi. À bord de Mir 1, le député et explorateur russe Artour Tchilingarov s'est posé à moins 4 261 m. « Il y a des graviers jaunâtres. On ne voit aucune créature des profondeurs », a-t-il déclaré. Avant de dresser dans les profondeurs de l'océan Arctique, grâce au bras articulé de son bathyscaphe, un drapeau en titane d'un mètre de hauteur aux couleurs de la Russie. Il a également laissé une capsule contenant un message pour les générations futures.
L'ethnologue français et le ministre canadien Mir 2, le second sous-marin, est descendu à moins 4 302 m. Il est remonté une heure après Mir 1, ayant passé 40 minutes sous la banquise à chercher un trou pour retrouver l'air libre. « C'est une opération scientifique extrêmement sérieuse, explique Sergueï Prianikov, de l'Institut arctique de Saint-Pétersbourg. Pour l'instant, personne au monde n'en a conduit de cette sorte. Il s'agit d'observer les changements de température, de salinité, la vitesse des courants... » Derrière cet aspect scientifique se cachent d'autres intentions. Moscou affirme que 1,2 million de km2 de l'océan Arctique lui appartiennent. Avec le réchauffement climatique, une grande partie des glaces de la région sont en train de fondre. Ce qui faciliterait l'accès vers d'importantes réserves d'hydrocarbures et pourrait, à terme, ouvrir de nouvelles routes maritimes. « Ce sont des régions très riches », confirme Jean Malaurie. L'ethnologue français - fondateur de la collection Terre Humaine et directeur de recherches au CNRS - est président d'honneur de l'Académie polaire de Saint-Pétersbourg. « L'Arctique est appelé à jouer un rôle géopolitique considérable pour notre génération et les générations à venir [...]. Nous entrons dans une nouvelle ère, que j'appellerais post-glaciaire. Du point de vue des transports, par exemple, on peut pronostiquer un renversement des voies du shipping. D'ici à 20 ou 30 ans, certains passages qui ont hanté les explorateurs, comme le détroit de Lancaster, passage du nord-ouest canadien, pourront être fréquentés par des navires, avec une fréquence qui sera peut-être celle du canal de Suez ! » Le célèbre explorateur insiste : « Bien entendu, il y a des intérêts financiers, militaires, mais il y en a un beaucoup plus important, c'est la survie de la Terre. Le climat change, la pollution est une réalité dans l'océan glacial. Cette exploration d'Artour Tchilingarov et de nos camarades russes doit être placée sous le signe de l'homme. » Voeu pieux ? Peter MacKay, le ministre canadien des Affaires étrangères, ironise, lui, sur cette expédition qu'il qualifie de « spectacle ». « Mais nous ne sommes pas au XVe siècle », rappelle-t-il aux Russes. « Vous ne pouvez pas parcourir le monde, planter des drapeaux et dire : 'Nous revendiquons ce territoire.' »... Virginie PIRONON.