Cet empire se construit au prix d'une déforestation massive et d'une mise en péril des ethnies d'Amazonie. Blairo Maggi, patron du groupe Amaggi, est devenu la bête noire des écologistes. En 2005, il s'est vu décerner la " tronçonneuse d'or " inventée par Greenpeace pour stigmatiser le principal responsable de la déforestation de l'Amazonie.
Au Brésil, on ne prononce jamais son nom sans une pointe de frayeur ou de respect, selon. Régnant sur plus de 200.000 hectares, Blairo Maggi est devenu le plus grand producteur mondial individuel de soja. Ce Brésilien de 51 ans produit à lui seul 15 % du soja au Mato Grosso.
Il impose sa loi d'une main de fer à cet État agricole du centre-ouest du Brésil. En une dizaine d'années, il a amassé une immense fortune dans ce pays où un quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Son groupe affiche un chiffre d'affaires estimé à 600 millions de dollars. Le solde de son compte en banque devrait encore augmenter de quelques zéros alors que le prix du soja explose et que les exportations, devenues la priorité du pouvoir en place, s'accélèrent. Mais à quel prix en est-il arrivé là ?
À l'origine de ce qui deviendra l'empire Amaggi, il y a son père, André. Un fils d'immigré italien qui a eu du flair en achetant il y a plusieurs dizaines d'années, pour une bouchée de pain, d'immenses terres, jugées alors sans valeur, dans le Mato Grosso. La famille fait commerce aussi de semences et d'engrais auprès des fermiers de la région. Impatient de faire fructifier ce capital, Blairo Maggi remue ciel et terre. Forcément adepte des OGM, il en lance la culture, agrandit ses surfaces. Et pour être sûr qu'aucun obstacle ne se dresse devant lui, il devient homme politique.
Entré au Sénat en 1999, il s'est fait élire gouverneur du Mato Grosso, comme représentant du Parti populaire socialiste, un parti de centre gauche en 2003. Ayant le pouvoir, il a lancé ses grands travaux. Autoroute à travers la forêt amazonienne, construction d'un complexe de transport fluvial, le patron du groupe Amaggi remodèle le paysage afin de faciliter le transport des récoltes, de mieux servir ses intérêts. Sans se soucier des effets sur l'environnement ou les hommes qui y vivent.
LA BETE NOIRE DES ECOLOGISTES
En 2003, lors de sa première année en tant que gouverneur, le taux de déforestation a doublé, selon les défenseurs de l'environnement. Blairo Maggi est devenu la bête noire des écologistes. En 2005, il s'est vu décerner la " tronçonneuse d'or " inventée par Greenpeace pour stigmatiser le principal responsable de la déforestation de l'Amazonie.
Imperturbable, Blairo Maggi persiste et signe. " Nous avons le droit d'utiliser 40 % de notre territoire pour l'agriculture et l'élevage, c'est ce que beaucoup ne veulent pas comprendre. À ce jour, moins de 2 % de cet espace sont occupés par des activités agricoles. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter ", assène-t-il.
Les ethnies indigènes ont du mal à faire entendre leur voix face à cet homme qui concentre tous les pouvoirs, politique, industriel et financier. Les organisations internationales dénoncent ses pratiques. En vain. " Les multinationales encouragées par l'obsession exportatrice du gouvernement Lula détruisent l'une des forêts les plus riches du monde ainsi que les cultures et les modes de vie de peuples entiers ", déplore Raul Vico, un coopérant catalan de l'organisation non gouvernementale Ansa. Sur le territoire des Enawene Nawe, une ethnie qui vit de pêche et de cueillette, doivent être construits onze barrages pour alimenter en électricité la production de soja. L'ONG Survival fait pression sur les autorités dans l'espoir qu'elles renoncent au projet.
TOUJOURS PLUS LOIN
Mais il en faut plus pour stopper le " bulldozer " Blairo Maggi. L'homme au physique trapu et costaud avance toujours plus loin. " Je ne vois pas d'avenir pour les petites exploitations. Ici, le sol est mauvais et il faut investir beaucoup d'argent pour l'exploiter en étant rentable et compétitif sur le marché mondial ", explique-t-il, sans précaution oratoire. Une façon d'annoncer ses visées pour étendre encore un peu plus loin son empire. Sa logique est simple : " Quand vous êtes roi, vous devez défendre votre couronne."
Même au prix de reniements. L'an dernier, juste réélu au poste de gouverneur de l'État, il a quitté son parti et apporté son soutien au président Lula. Il s'était pourtant opposé à lui auparavant, critiquant sa politique agricole. Entre-temps, l'équivalent de 365 millions d'euros avait été débloqué pour le secteur agricole. Il en fut un des premiers bénéficiaires.