L'adaptation des cultures aux changements climatiques s'accompagne d'une autre nécessité: mesurer l'utilisation des ressources, et en premier lieu de l'eau. D'autant qu'il est établit que les pluviométries estivales sont en diminution (entre 20 et 30% de diminution entre 1951 et 2000 dans le Sud Ouest et le long du rivage méditerranéen). La rareté de l'eau oblige à repenser sa répartition entre agriculture et activités industrielles et ménagères.
Aux vergers d'Ableiges, dans l'Oise, on trouve près de 27 variétés de fruits: pommes, poires, groseilles, abricots, prunes seront à l'honneur aux portes ouvertes organisées le premier week-end de septembre. Seules les mirabelles manqueront à l'appel. Avec l'arrivée précoce des fruits cette année, pas sûr qu'il en reste. Un hiver des plus doux (+2,1° par rapport à la moyenne) et un mois d'avril des plus estivaux (+4,3° par rapport à la moyenne) font, pour l'instant, de 2007 l'année la plus chaude depuis 1950. Conséquence: des récoltes plus précoces. Mirabelles et prunes dès le mois de juillet, raisin dès le mois d'août. Abricots, pommes et nectarines avec près de dix jours d'avance. S'agit-il d'un cru 2007 exceptionnellement précoce où d'un phénomène installé dans la durée?
Pour Sandrine Morard, directrice de la Fédération nationale des producteurs de fruits, "c'est conjoncturel": les dates de floraison "varient d'une année à l'autre", elles sont tantôt en avance, tantôt en retard. Mais pour Nadine Brisson, chercheuse à l'unité Agroclim de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) d'Avignon, les producteurs "ont la mémoire courte, ils ne font pas l'exercice de retrospective jusque vingt ans en arrière". Depuis la fin des années 1980, les cultures pérennes -arbres fruitiers et vignes- sont de plus en plus précoces. La cueillette et les vendanges ont ainsi été avancées de quinze jours en moyenne en quinze ans. Les cultures annuelles (semées chaque année) subissent le même sort et "c'est visible dans le paysage", souligne Nadine Brisson. Alors qu'il y a dix ans, il fallait attendre la mi-août pour fêter la fin des moissons, aujourd'hui plus un épi de blé ne pointe vers le ciel après la mi-juillet. Pour la chercheuse, le réchauffement climatique est le responsable de ces changements dans le milieux agricoles.
Les agriculteurs s'adaptent
Les agriculteurs, habitués aux variations d'une année sur l'autre, "se sont adaptés, sans souvent s'en rendre compte, aux nouvelles conditions climatiques", poursuit-elle. Le réchauffement de la surface de la Terre, de 0,6 à 0,9°C depuis 1860, les a conduits à semer plus tôt: autour du 10 mai il y a vingt ans, les dates de semis des cultures d'été ont été avancées au 20 avril.
Autre façon de s'adapter: changer les variétés cultivées. Il y a cinq ans, dans le Sud Ouest, une parcelle sur deux était consacrée à la culture du maïs. Aujourd'hui, c'est une parcelle sur quatre. La précocité des cultures peut même s'avérer être un avantage. Dans les régions viticoles situées au nord de la Loire, elle peut favoriser une meilleure maturité du raisin. Certaines cultures d'hiver peuvent par ailleurs échapper aux sécheresses.
"Il suffit de faire coïncider le cycle des cultures avec le moment où le climat le permet, via les techniques d'irrigation ou de fertilisation, ou via la génétique, en choisissant des cultures à cycle plus long, plus résistantes à la chaleur, pour maximiser les rendements", résume Nadine Brisson. Reste que la vraie question est de savoir s'il faut ou non s'y adapter. Adopter une logique productiviste ou préférer une approche environnementale.
L'adaptation des cultures aux changements climatiques s'accompagne d'une autre nécessité: mesurer l'utilisation des ressources, et en premier lieu de l'eau. D'autant qu'il est établit que les pluviométries estivales sont en diminution (entre 20 et 30% de diminution entre 1951 et 2000 dans le Sud Ouest et le long du rivage méditerranéen). La rareté de l'eau oblige à repenser sa répartition entre agriculture et activités industrielles et ménagères.
Les cultures ne sont pas menacées
Pour l'heure, ni les professionnels de la terre, ni les chercheurs-agronomes ne semblent inquiets pour l'avenir des productions françaises. La hausse continuelle des rendements n'est pour le moment pas menacée par les changements en cours. "L'année caniculaire 2003 a même produit des vins exceptionnels, comme l'année 1976!", remarque Gil Rivière-Wekstein, fondateur de la lettre d'information Agriculture & Environnement. Aucune culture n'est amenée à disparaître mais Nadine Brisson prévoit un nouvel équilibre entre les cultures déjà existantes.
Les fruits arrivant de plus en plus tôt dans les étalages, ils viennent se téléscoper avec les importations étrangères, espagnoles surtout. Sandrine Morard, déplore "une perte de repères, chez les consommateurs, dans les saisons". Depuis longtemps on mange des agrumes en été, à quand les fraises en janvier?