L'engouement pour l'éolien n'est pas un vain mot. Parmi les dernières opérations en date, l'entrée d'Energy International, filiale du groupe Suez, sur le marché de l'éolien nord-américain via l'acquisition du canadien Ventus Energy pour 86 millions d'euros. Et aussi l'allemand E.ON qui n'a pas hésité à mettre 733 millions d'euros sur la table pour racheter Energi E2 Renovables Ibericas afin de se renforcer sur le marché espagnol des éoliennes.
Retard français
Le parcours boursier de REpower est loin d'être un épiphénomène. En France, EDF Energies Nouvelles, filiale à 50 % d'EDF (et active surtout dans l'éolien), a gagné près de 55 % depuis un an. Quant à Theolia, une PME aixoise dont le parc d'éoliennes ne cesse de s'étoffer, le cours a pris près de 120 % au cours des douze derniers mois. Au mois de février, témoignage supplémentaire de ce vent porteur, le géant américain General Electric a pris 22 % du capital de Theolia. En apportant notamment dans la corbeille sa capacité de production éolienne en Allemagne (165 mégawatts en tout).
Ces chiffres qui affolent les marchés ne correspondent pourtant pas, du moins en France, à une réalité industrielle aussi stimulante. Certes, les installations se développent (la capacité installée a doublé entre 2005 et 2006, à près de 1 500 mégawatts), mais l'éolien représente toujours moins de 1 % de la production électrique nationale. D'ailleurs, l'objectif assigné par la directive européenne (21 % d'électricité d'origine renouvelable à l'horizon 2010) reste tout simplement inabordable. L'équation est simple : pour que la France comble son retard, il faudrait installer quatre éoliennes par jour d'ici à cette échéance. En attendant, plusieurs centaines de permis (d'installations d'éoliennes) sont aujourd'hui examinés, mais la plupart prennent cependant beaucoup de retard devant l'hostilité affichée des populations. Mais aussi en raison des perturbations qu'entraînent les pales des éoliennes sur les radars de la défense, de l'aviation civile et de Météo France. Une circulaire doit préciser fin août les critères d'implantation afin d'éviter ces perturbations, a annoncé Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État à l'Écologie.
Le cadre réglementaire a évolué, de telle sorte qu'entre les premières autorisations et le raccordement effectif au réseau électrique, le délai moyen oscille entre trois à quatre ans. À l'arrivée, entre la chasse aux permis de construire et un développement industriel à petits pas, le scénario d'une bulle spéculative sur ce segment est largement répandu. Sans compter que le kilowattheure éolien est racheté à un prix attractif par EDF, dans le cadre du soutien de la filière. Reste qu'à l'heure de l'augmentation quasi constante des prix de l'énergie (toutes sources confondues), l'énergie verte est devenue un thème particulièrement fédérateur. Selon une étude d'Ernst and Young, les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables pourraient atteindre 750 milliards de dollars d'ici à 2016 contre 100 milliards en 2006.
Peu de marges d'amélioration technologique
« À l'heure de la lutte contre le réchauffement climatique, l'énergie éolienne, qui ne produit pas de C02, a le vent en poupe », résume Colette Lewiner, directeur international du secteur énergie et utilities chez Capgemini, quand il s'agit d'évoquer la flambée en Bourse des cours de sociétés fabricant des éoliennes. Mais aux yeux de Colette Lewiner, cette flambée apparaît déraisonnable pour au moins quatre raisons. D'abord, contrairement à d'autres sources de production d'énergie, l'éolien possède peu de marges d'amélioration technologique qui permettraient de baisser ses coûts de production. Ensuite, les fortes subventions à l'énergie éolienne ne seront pas éternelles.
Par ailleurs, le vent, énergie aléatoire par excellence, exige souvent d'ajouter une source de production supplémentaire, comme des moteurs Diesel qui, eux, produisent du CO2. Enfin, les réseaux électriques ne seront pas en mesure d'absorber cette électricité aléatoire en quantités trop importantes. Pour toutes ces raisons, Colette Lewiner considère que l'éolien ne devrait pas avoir de développement massif durable.
Pour Christophe Asselineau, avocat associé du cabinet Simmons & Simmons et directeur du département projets-énergie, la filière a cependant de beaux jours devant elle : « Le temps des»chasseurs de primes* est terminé, quand par exemple on voyait des investisseurs allemands venir prospecter en France à la recherche d'emplacements adéquats. Désormais, l'éolien est entre les mains d'entrepreneurs beaucoup plus cohérents. » Et de rappeler l'existence de gros programmes de développement de champs d'éoliennes, « avec des investisseurs prêts à investir significativement sans l'obsession d'un succès boursier immédiat ».