« Les arbitragistes viennent sur les marchés à terme pour acheter du pétrole », explique Moncef Kaabi, directeur de recherche chez Natixis. « Les spéculateurs, eux, n’ont pas besoin de pétrole». La présence des fonds de pension ou des hedge funds sur les marchés des matières premières est une des explications à la hausse des cours observées ces jours-ci. Mercredi, le cours du brut à New York est passé au dessus du seuil historique des 80 dollars le baril, avant de se replier légèrement. Sur le marché de Londres, le Brent tutoie également les sommets. Les marchés des céréales ne sont pas en reste. Depuis plusieurs semaines, le cours du blé alimente la chronique, bondissant de record en record. Mercredi, il a atteint les 9 dollars le boisseau à la cotation à Chicago. Dans son sillage, les prix du maïs ou du soja ont suivi à la hausse, avant de redescendre légèrement, en raisons de prises de bénéfices.
« Les spéculateurs ne sont pas la cause de la hausse », précise Moncef Kaabi. Cette hausse, « ils l’anticipent et par leur présence, ils contribuent à l’accélérer », résume-t-il. Si le cours du pétrole monte, rappelle-t-il, « c’est pour des raisons physiques, structurelles, conjoncturelles ». « Que ce soit pour les métaux, l’énergie ou les denrées agricoles, la spéculation financière n’est certainement pas étrangère à la violence des chocs », considère Alexandre Mirlicourtois, directeur des études économiques, auteur d’une étude intitulée « Tempête sur les prix agricoles ». Cependant elle les amplifie plus qu’elle ne les génère », considère-t-il également.
Au titre de la conjoncture, les marchés ont été très sensibles au dernier rapport du département américain de l’énergie faisant état d’une baisse prononcée des stocks de brut aux Etats-Unis. Au 7 septembre cette baisse est de 9% par rapport à juin. La menace d’une nouvelle tempête tropicale, Humberto, sur les installations pétrolières du Texas a également accru les tensions. « L’origine structurelle de la flambée du côté des métaux et du pétrole est certainement à rechercher dans le vaste mouvement de délocalisation de la production industrielle vers les pays émergents », observe Alexandre Mirlicourtois. Ces pays « ateliers », Chine en tête, sont des économies beaucoup plus consommatrices d’énergie et de matières premières. « Mais plus important encore, elles sont à la source d’un changement radical de la hiérarchie des prix dans les pays occidentaux », rapporte son étude intitulée « tempête sur les prix agricoles ». Les baisses à répétition des prix des produits manufacturés que ces pays permettent grâce à leur main d’œuvre bon marché permettent aux ménages occidentaux d’en consommer toujours plus.
Les spéculateurs, hedge funds et fonds de pension en tête, sont présents sur tous les marchés, actions, de change ou de la dette. « S’ils viennent sur les marchés des matières premières, c’est parce qu’ils anticipent la hausse et viennent se couvrir de la chute de leurs autres actifs », explique Moncef Kaabi. Ils sont d’autant plus présents sur le pétrole ou le blé aujourd’hui que les places boursières et les marchés du crédit sont perturbés par la crise du subprime. Ils augmentent donc la volatilité des cours. « S’ils quittaient le marché du pétrole, le cours perdrait jusqu’à 15 dollars », estime Moncef Kaabi. |