Eco-Terre
Par GUILLAUME LAUNAY
Libération mercredi 5 septembre 2007
Jugée contre-productive, la proposition a reçu l’accueil glacial des syndicats.
Les ONG aimeraient profiter du Grenelle de l’environnement pour mettre un pied dans les entreprises. C’est un des objectifs d’Ecologie sans frontière, une des ONG (spécialisée dans le droit de l’environnement) ayant participé à la mise en place du Grenelle. Son vice-président, Nadir Saïfi, résume ainsi sa proposition : «Prendre la pollution à la source : l’entreprise.» Il compte bien profiter de sa présence au sein du groupe de travail n° 5 sur la «démocratie écologique» (lire ci-contre) pour avancer une de ses idées phares : avoir des élus représentant les ONG dans les comités d’entreprise
«Alerte».
Dans le détail, la proposition vise à réformer les CE en créant un collège de salariés élus réservé aux associations écologistes. Celui-ci aurait des prérogatives en matière de santé publique dans l’entreprise, un «pouvoir d’alerte» en cas de non-respect des normes et une expertise sur les conséquences écologiques des activités de l’entreprise.
Pour France Nature Environnement (FNE), autre ONG qui participe aussi au groupe, la question n’est pas neuve. «Ça fait dix ans qu’on en parle, pointe Arnaud Gossement, son porte-parole. Mais on se heurte toujours à des difficultés juridiques.» Ce que FNE retient, c’est la nécessité de faire un lien direct entre ONG et salariés : «Aujourd’hui, les seuls interlocuteurs que nous ne voyons jamais, ce sont les salariés, souligne-t-il. Il faut créer un espace d’éducation à l’environnement au sein des entreprises.»
Autre conséquence, la mesure impliquerait la mise en place d’une liste d’associations représentatives, un «tri» que réclament plusieurs ONG.
Présentée hier après-midi devant le groupe 5, la proposition d’Ecologie sans frontière, membre de l’Alliance pour la planète, a reçu un «accueil glacial» des syndicats, selon Nadir Saïfi. «C’est un des points de désaccord, confirme Dominique Olivier, un des coordinateurs du Grenelle à la CFDT. On ne pense pas que le CE soit le bon endroit» pour intégrer les ONG. «Ce serait même contre-productif, ajoute Bernard Saincy, responsable des questions de développement durable à la CGT. On ne peut pas avoir deux types de délégués élus. Cela reviendrait à diviser les élus du personnel, en opposant l’intérêt environnemental et la question de l’emploi et des salaires.»
Sceptique.
Les deux syndicats préfèrent défendre la nécessité d’élargir aux questions d’environnement le champ d’action des instances élues dans les entreprises. «La révolution, pour les organisations syndicales, c’est d’intégrer ces questions dans leur corpus revendicatif», assure Bernard Saincy. Ce qui laisse Nadir Saïfi sceptique, même s’il souligne de nombreux points d’accord avec les partenaires sociaux : «Pendant longtemps, les syndicats ont bradé les problèmes environnementaux pour remporter des victoires sociales. On ne peut plus continuer ainsi.»
La contre-proposition syndicale, qui rejoint d’ailleurs la vision du Medef, tient à l’organisation, à échéance régulière, de réunions entre élus des salariés, patronat, riverains de l’entreprise et associations… mais pas dans le cadre d’une instance interne à l’entreprise.
Le groupe n° 5 se réunira de nouveau mardi prochain. «Il y a intérêt à ce que notre proposition soit discutée», prévient Nadir Saïfi.
(1) Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CE, composé d’élus du personnel et éventuellement de représentants syndicaux, est obligatoirement consulté sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.