D'une manière très inhabituelle, le président Nicolas Sarkozy, venu rencontrer la chancelière Angela Merkel au château de Meseberg, au nord de Berlin, a exhorté lundi 10 septembre les Allemands à revenir sur leur choix de fermer leurs centrales nucléaires. Il a touché un point très sensible du débat politique outre-Rhin. Lors de la formation du gouvernement de grande coalition entre les chrétiens démocrates, les chrétiens-sociaux de Bavière et les sociaux-démocrates, en 2005, ces derniers avaient exigé que ce choix, hérité de leurs anciens accords avec les Verts, ne soit pas touché.
Jugeant qu'il faudra "un jour poser la question d'une politique européenne de l'énergie", M. Sarkozy a prôné le développement à la fois du nucléaire et des énergies renouvelables. "On ne peut rester en Europe face à une situation où, dans un siècle il n'y aura plus de gaz, où dans 30 ou 40 ans, il n'y aura plus de pétrole. Il n'y a personne qui peut imaginer que les éoliennes serviront à faire tourner toute l'Europe", a-t-il dit. Plaidant pour que les deux pays "aient des ambitions énergétiques dans le même sens", il a jugé "difficile d'avoir un choix d'un côté en France et un choix différent de l'autre côté en Allemagne".
Ces déclarations onta provoqué de vives réactions à gauche. Dans une interview au quotidien Tagesspiegel, le ministre allemand de l'environnement, le social-démocrate Sigmar Gabriel, a souligné que cette position sert essentiellement les intérêts français. "Mais ceux-ci ne sauraient être le critère de la politique européenne en matière d'énergie et de protection du climat", a-t-il dit. "L'énergie nucléaire est tout sauf une technologie du futur."
L'offensive du chef de l'Etat intervient alors que les Allemands s'interrogent sur les vues de Paris concernant la coopération industrielle dans le domaine nucléaire. Le ministre-président de Bavière, Edmund Stoiber, favorable à l'option nucléaire, s'est inquiété la semaine dernière à Paris d'une éventuelle rupture entre le groupe français Areva et l'allemand Siemens, qui détient 34 % d'Areva NP, la filiale du groupe nucléaire français qui construit le réacteur EPR de troisième génération.
A Meseberg, la chancelière a insisté à son tour sur la poursuite de la coopération entre les deux groupes. Mais M. Sarkozy se fait tirer l'oreille. "Nous ferons tout pour maintenir les projets franco-allemands quand c'est possible", a-t-il répondu du tac au tac.
L'Elysée a lancé la refonte de la filière nucléaire française en confiant une mission d'expertise au cabinet de conseil McKinsey et à la banque HSBC, selon Les Echos du 11 septembre. Elle passera par une ouverture du capital d'Areva, puis une éventuelle fusion avec Alstom, éternel concurrent de Siemens dans le ferroviaire et les turbines de centrales électriques. Bouygues, actionnaire à 23 % d'Alstom, ferait ainsi son entrée dans le nucléaire. La question se poserait alors de la place de Siemens. Paris peut faire jouer une option d'achat sur sa participation dans Areva NP qui court jusqu'à fin 2011.