A la veille de l'ouverture du salon auto de Francfort, les patrons de groupes automobiles européens jugent "naïf" le projet de l'Union européenne en matière de réduction des émissions de CO2.
C'est le patron de Porsche qui l'affirme au quotidien des affaires allemand Handelsblatt : les grands fabricants européens d'automobile sont unis pour combattre le projet de l'Union européenne de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) d'ici à 2012. Pour Wenderlin Wiedeking, ce projet de réduire à 120 grammes par kilomètre - contre 160 aujourd'hui - les émissions des voitures neuves d'ici à cinq ans est "totalement naïf". Le patron de Peugeot, Christian Streiff, poursuit dans le même sens en qualifiant cet objectif de "totalement irréaliste", dans un entretien publié ce lundi dans La Tribune.
Toutefois, Handelsblatt précise qu'au-delà de ces déclarations, les constructeurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les détails de leur action. Si les constructeurs allemands réclament que les émissions autorisées soient différenciées selon le poids et la taille des véhicules, leurs homologues français et italiens sont plutôt favorables à l'instauration d'une limite commune à toutes les voitures.
Selon les premières estimations, la mise en conformité des véhicules avec ces contraintes environnementales risque d'entraîner un surcoût moyen de 2 500 euros par voiture. L'Union européenne menace de sanctions financières les constructeurs qui ne se mettraient pas en conformité avec les nouvelles règlementations.
Les constructeurs automobiles européens, qui soutiennent les objectifs européens en matière de réduction unitaire des émissions de CO2 pour les voitures, ne veulent toutefois pas s'investir seuls et interpellent tous les acteurs du transport routier individuel.
En 1998, l'industrie automobile s'était engagée avec l'Europe dans un accord volontaire de réduction des émissions afin de respecter le Protocole de Kyoto. Cet accord a permis une amélioration sensible des technologies employées et des émissions moyennes des voitures. Ainsi, la moyenne européenne des émissions de CO2 a baissé de 25 g/km en 10 ans. La moyenne des émissions des véhicules vendus en France en 2006 est de 149 gCO2/km, soit une baisse de 3 grammes de CO2 par kilomètre par rapport à 2005 selon l'ADEME.
De plus, la Commission Européenne doit proposer, au plus tard au premier semestre 2008, un cadre législatif afin de réaliser l'objectif de l'Union Européenne de 120 g de CO2/km par voiture neuve en 2012 selon les modalités suivantes :
- 130 g CO2/km pour la moyenne du parc des voitures neuves par le biais d’améliorations technologiques sur les moteurs,
- 10 g supplémentaires par le biais d’autres améliorations technologiques (manufacturiers, équipementiers...) et par un usage accru des biocarburants.
Impliquer tous les acteurs
Or, les moyens qui seront mis en oeuvre pour atteindre ces nouveaux objectifs mécontentent les dirigeants de groupes automobiles européens qui ont décidé de s'exprimer et de faire front au sein de l'ACEA (European Automobile Manufacturers' Association).
Dans un communiqué de l'ACEA, les constructeurs européens réclament une approche plus large que la simple diminution technologique unitaire des émissions de CO2. Ainsi, les investissements de l'industrie automobile doivent être soutenus par les pétroliers et les industries agroalimentaires dans la recherche de carburants alternatifs, par les politiques dans la mise en place d'une taxe carbone, par les aménageurs dans la gestion des infrastructures de transports, du trafic routier, mais aussi par les automobilistes qui doivent s'impliquer dans leur mode de conduite et leurs choix de consommateurs.
Au final, les constructeurs européens souhaitent qu'à toutes les échelles des pays de l'Union Européenne, tous les acteurs oeuvrent conjointement pour cet objectif.
Le message est clair : "un véhicule qui émet 130 g CO2/km d'ici 2012 est impossible" selon le communiqué. Wendelin Wiedeking, patron de Porsche déclare dans le journal Handelsblatt du lundi 10 septembre que ce projet est "totalement naïf", tout comme Christian Streiff, patron du constructeur français Peugeot, qui le décrit lui comme "totalement irréaliste".
Une menace pour l'emploi et les investissements en Europe
Les constructeurs automobiles européens ne sont pas prêts à supporter seuls de tels objectifs qui pourraient, selon le communiqué, compromettre les emplois et l'investissement en Europe.
L'ACEA insiste sur le coût de cette mesure qui serait dix fois plus coûteuse qu'une approche intégrée impliquant tous les acteurs du transport automobile, la technologie n'étant qu'un levier d'action parmi d'autres. D'ailleurs, la charge supplémentaire des investissements serait répercutée sur le prix à l'achat des voitures qui augmenterait alors d'environ 3000 euros par unité : un surcoût inenvisageable dans un marché mondial où la concurrence est particulièrement forte. La solution envisagée par les constructeurs européens serait alors de délocaliser leurs moyens de production au détriment de l'emploi en Europe. De plus, un prix d'achat plus élevé pourrait ralentir le taux de renouvellement de la flotte automobile, au détriment des performances environnementales.
Enfin, les constructeurs automobiles européens soulignent que les efforts consentis dans les innovations technologiques ces dernières années ont été accompagnés de résultats qui auraient pu être bien plus significatifs dans une démarche intégrée impliquant le politique et le consommateur. Ils expliquent par exemple, dans le communiqué de l'ACEA, que la demande s'est accrue pour des voitures de plus en plus grandes (en moyenne 20 cm de plus qu'en 1998) et lourdes (masse augmentée de 16% depuis 1998), et donc consommatrices, malgré leurs efforts pour promouvoir des modèles plus petits et moins émetteurs de polluants.
Entre les politiques qui demeurent hésitants ou incohérents sur le problème de l'automobile et les constructeurs qui ne veulent pas assumer seuls les ambitions européennes, force est de constater que le consommateur ne facilite pas la recherche de solutions en manquant une nouvelle fois d'éco-responsabilité.