Le spécialiste de la collecte et du recyclage des textiles d’occasion, a mis au point un isolant thermique à partir de fibres textiles recyclées. Cet éco-matériau vise un public sensible à une démarche alliant développement durable et insertion économique. Rencontre au Relais de Bruay-la-Buissière avec Lucie Contet, chargée de communication France, qui y voit un débouché nouveau pour un monde du recyclage en crise.
De loin, c’est un petit bloc gris qu’on imaginait en mousse. De près, ce n’est pas de la mousse mais un agglomérat de fibres en laine et coton recyclées liées entre elles par du polyester, qui peluche légèrement quand on se le passe de main en main. Son nom ? Métisse : c’est le nouveau bébé du Relais, membre d’Emmaüs, une des solutions imaginées pour trouver un nouveau créneau porteur aux vêtements recyclés.
Métisse : une réponse à la dégradation de la qualité du textile
Le Relais - groupement de 15 entreprises à but socio-économique qui emploie 1 200 personnes et récolte 45 000 tonnes de vieux vêtements par an - souffre en effet de la dégradation continue de la qualité des textiles mis sur le marché. Hier, 60 % du textile pouvaient être réutilisés en tant que vêtements contre 40 % qui partaient au recyclage. Ces proportions sont aujourd’hui inversées. Le recyclage déficitaire, il fallait imaginer d’autres solutions. L’isolant Métisse est né de cette nécessité. Après des mois de tests techniques, il est commercialisé depuis le début de l’année dans les 15 Relais de France. Fabriqué à partir de textiles non-réutilisables (pantalons déchirés, tee-shirts troués…) qui sont effilochés puis maintenus entre eux, Métisse a des capacités d’isolation égales à celles de la laine minérale mais il régule mieux l’humidité de l’air. Métisse est ainsi parfait pour les parois dites « respirantes » comme celles qu’on trouve dans les maisons en bois.
Un éco-matériau qui fait aussi de l’insertion
C’est aussi un pur éco-matériau recyclé et recyclable dont la production est peu consommatrice d’énergie et très peu polluante. Il prend sa place auprès des autres éco-isolants (chanvre, cellulose, laine de mouton, fibre de bois…). Comme l’annonce fièrement Lucie Contet « c’est le moins cher des éco-matériaux » pour un prix moyen de 10 euros le m², soit 2,5 fois plus cher que la laine de verre, mais à ce prix, le consommateur fait du développement durable et de l’insertion économique, l’objectif du Relais étant, avant toute chose, la création d’emplois pour les publics les plus en difficulté. 10 000 m² ont été vendus pour le moment. À terme, le Relais de Bruay aimerait intégrer totalement la filière dans la région. Car pour l’instant, si le tri, la coupe et l’effilochage sont faits dans le Nord - Pas-de-Calais, la dernière partie est réalisée dans le Relais des Pays de Loire. À suivre donc de très près.
L’isolation des bâtiments peut cacher de belles initiatives socio-économiques, espérons que le consommateur pensera à habiller sa maison de solidarité.
Nom : Métisse
Composition : textile à 85 % (70 % coton, 30 % laine) ; 15 % polyester (liant)
Sous forme de rouleaux ou de panneaux.
Traitement contre le feu, traitement insectes et champignons nécessaires.
Pour une épaisseur de 100 mm,coût 11,25 €/m²
l'heure où l'exclusion sociale et les problèmes de logement pour les plus démunis reviennent dans tous les discours, Le Relais, émanation d'Emmaüs, tente de trouver de nouveaux moyens d'insertion sociale par le travail. L'une des voies étudiées actuellement est la commercialisation d'un isolant issu du recyclage des fibres, agréablement nommé Métisse.
Le Relais : une économie au service de l'homme
Si la cause première d'Emmaüs est l'accueil et l'hébergement, de nombreuses démarches ont été effectuées pour développer l'emploi des personnes en difficulté. C'est en effet la réinsertion par le travail qui permet aux personnes touchées par l'exclusion de retrouver dignité et autonomie financière. Malheureusement, l'insertion dans une entreprise est bien souvent difficile. Pas évident de convaincre lors d'une embauche. Et, lorsque la chance sourit, passées les deux années en contrat aidé, nombreux sont ceux qui retournent dans l'exclusion.
C'est ce qui pousse Emmaüs Artois dès 1984 à créer ses propres structures, Les Relais. Ces entreprises à But Socio-économique (EBS), lui permettent de régler le problème de l'embauche sans se confronter à la discrimination. On compte une quinzaine de Relais aujourd'hui qui emploient environ 100 personnes en France et 200 en Afrique. Ce sont de véritables entreprises, qui se doivent d'être rentables comme les autres, même si leur objectif est l'épanouissement humain et non la rémunération d'un capital. Leur activité principale est la collecte, le tri et le recyclage des vieux vêtements.
Réemploi et recyclage des textiles
Les textiles, récupérés par le biais des collectes à domicile (20 millions de sacs) ou des 6000 conteneurs, sont triés en deux catégories. La première, le réemploi, retourne dans le circuit du vêtement, notamment grâce aux 50 boutiques Ding Fring, ou est exportée vers les Pays en Développement, à hauteur de 35% du tonnage collecté et trié. L'autre partie, le recyclage, consiste à transformer les vêtements non réutilisables en tant que tels en chiffons d'essuyage ou en fibres effilochées.
Jusqu'en 2000, la part de vêtements réutilisables était de l'ordre de 60%, mais la baisse de qualité des vêtements modernes et la prédominance des textiles synthétiques ont progressivement réduit cette part à 40% aujourd'hui. Cette évolution réduit la rentabilité des Relais et met en péril ses emplois, car si le réemploi des vêtements rapporte, le recyclage, lui, coûte aux entreprises. Il a donc fallu trouver autre chose.
Un isolant avec de vieux vêtements
C'est ainsi que l'idée de réaliser un isolant à partir de la fibre effilochée est née dans les têtes de Pierre Dupontel, fondateur du Relais et président de l'Association Relais France, et de l'ingénieur Denis Consigny (Canada Clim). Après 3 années de mise au point avec l'aide d'un industriel spécialisé dans la production de feutres pour automobile, Métisse est enfin prête à être commercialisé.
« La difficulté de la production était liée à la présence de corps étrangers dans la matière première, impossible à trier manuellement. C'est par exemple les pressions ou les œillets décoratifs des blue-jeans explique Lucie Contet, responsable de la communication du Relais. Le problème a été résolu par la mise au point de griffes et d'aimantage et par une adaptation de la machine à effilocher pour permettre un défibrage sans poussière. » La fibre est ensuite mélangée à 15% de polyester, pour thermolier le produit et nappée de panneaux ou rouleaux, exactement comme pour la fabrication des isolants en chanvre ou en laine de mouton. Pour l'instant, la partie nappage est sous-traitée.
Métisse : efficacité et qualité
Le Relais collecte actuellement 45 000 tonnes de textiles par an, dont un quart pourrait être affecté à la fabrication de Métisse, soit environ 4 millions de mètres carrés d'isolation potentielle, si le marché adopte le produit. En outre, l'amendement Emmaüs, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, devrait se traduire par une augmentation de la collecte de textiles jusqu'à 400 000 tonnes (contribution financière obligatoire permettant de financer le tri, la revalorisation et l'élimination des produits textiles en fin de vie).
Outre son aspect social séduisant, c'est un excellent isolant thermique et phonique notamment grâce à sa contenance en air. La présence de laine en fait un bon régulateur hygrométrique, il ne nécessite pas systématiquement de pare-vapeur sauf dans les pièces humides. Il se pose comme les panneaux de chanvre ou de laine de mouton, par agrafes ou en vrac. Métisse est disponible en 4 épaisseurs, en rouleaux ou en panneaux. Sa certification est en cours et devrait voir le jour courant 2008. Il est déjà référencé dans la base de données des éco-matériaux de CD2E.
Actuellement sa distribution se fait par le biais des Relais et de grossistes en éco-matériaux. Son coût est d'environ 12€/m² TTC en 100 mm, prix dégressifs selon les quantités. Gageons que la corde sociale sera un argument de poids : Le Relais espère en vendre 500 000 m² en 2008. Une activité qui devrait permettre d'embaucher de nouveaux salariés et de pérenniser les emplois actuels.
Source : Gwenola Doaré, Magazine Habitat Naturel.
Renseignements : Lucie Contet
Tél. 03 21 01 77 77
Le Relais – Chemin des Dames
62700 Bruay-la-Buissière