La technologie permettant le captage et le stockage du CO 2 est éprouvée. Reste à rendre la filière économiquement viable. Scientifiques, industriels et associations en débattent aujourd'hui à Paris.
Comment gérer l'entre-deux, cette période de transition entre l'ère du tout pétrole et celle des nouvelles sources d'énergie respectueuses de l'environnement ? Ceci alors que la demande en énergie devrait être supérieure de 50 % d'ici à 2030 par rapport à aujourd'hui, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). " Pendant quarante ans au moins, nous allons continuer à brûler du pétrole, et surtout du charbon qui est encore une ressource peu chère et abondante dans le monde ", constate Pierre Le Thiez, en charge de la recherche et développement de l'Institut français du pétrole (IFP) et directeur général de Geogreen. Aussi, les scientifiques et les industriels s'accordent-ils sur l'urgence d'agir.
Outre la nécessité de faire des économies d'énergie, de nouvelles voies sont explorées, comme le captage et le stockage de CO2. L'idée consiste à séparer le gaz carbonique des fumées émises par une usine puis de le stocker sous terre. Soit au fond des océans, soit dans d'anciens gisements de pétrole ou de charbon. Aujourd'hui, le procédé est éprouvé. Reste à en fixer le cadre réglementaire et à rendre la filière économiquement rentable. " Ce qui est loin d'être le cas ", reconnaissent les experts qui estiment qu'il faudrait réduire le coût global de la chaîne à 20 ou 30 euros la tonne de CO2 (contre 60 à 100 euros actuellement) pour qu'il soit compatible avec les cours du CO2 sur le marché du carbone où s'échangent des permis d'émission encadrés par le protocole de Kyoto. Il n'empêche, les industriels croient au déploiement industriel de cette technologie d'ici à 2020.
OPERATIONS DE DEMONSTRATION
Les projets pilotes se multiplient. Pas moins d'une dizaine d'opérations de démonstration en Europe ont retenu l'attention de Bruxelles. Car " cette technologie permettrait, à elle seule, réduire de 10 % à 15 % les émissions de CO2 ", souligne Olivier Appert, président de l'IFP. De plus, les sites de stockage ne manquent pas. En France, plusieurs " zones favorables " ont été identifiées. Tout particulièrement dans le bassin parisien, dans les Landes et dans l'Est.
Mais l'opinion publique est-elle prête à en accepter l'idée ? D'autant que ce stockage est prévu pour des durées très longues, qui se mesurent en milliers d'années. C'est le confinement du CO2 qui pose problème, martèlent les organisations écologiques qui craignent un impact écologique en cas de fuites. Pour bien mesurer les risques, l'IFP, Geostock (filiale de Total et de BP spécialisée dans l'ingénierie du stockage sous terrain d'hydrocarbure) et le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) viennent de créer la société Geogreen. Dirigée par Pierre Le Thiez, elle est chargée de réaliser un travail de reconnaissance des sites. " L'information du public devra se faire dans la plus grande transparence ", prévient-il. Selon un récent sondage TNS-Sofres réalisé pour l'Agence française pour l'environnement, " seulement 6 % des Français connaissent cette technologie ".
CHANTAL COLOMER