Allons-nous fuir, une fois encore, la réalité telle qu'elle est et laisser le temps décider à notre place ? Allons-nous céder face aux intérêts particuliers et contradictoires des uns et des autres, plier aux impératifs de l'immédiat contre les exigences de l'anticipation ? Au prétexte que
la France
A ce stade, le Grenelle de l'environnement (un rendez-vous que les associations écologistes ont proposé) a eu l'immense vertu, dans l'esprit du pacte écologique, de mettre autour d'une même table la plupart des acteurs de la société et d'obliger chacun à plancher sur la combinaison du social, de l'économique et de l'écologique.
Sans effacer totalement les préjugés des uns envers les autres, les discussions ont permis, jusqu'à présent, de les atténuer considérablement et de faire surgir des convergences. L'écologie est enfin sortie de son ghetto. Mais ne rêvons pas : les choix décisifs restent à faire. La dimension finale du Grenelle dépendra aussi de la volonté et de l'audace politiques.
RÉALITÉ INCONTOURNABLE
M. Borloo, M. Sarkozy, j'ai envie de vous dire : n'ayez pas peur ! L'enjeu écologique est un défi d'une ampleur sans précédent, il oblige à revisiter toutes nos certitudes, à changer nos habitudes, à modifier profondément notre organisation économique et sociale. Il oblige à aller vite, à prendre des risques, à faire des choix. Mais c'est une réalité incontournable qui peut réhabiliter la politique. C'est une aspérité majeure sur le chemin de l'humanité, pleine de difficultés et de complexités, et, en même temps, une extraordinaire opportunité qui peut relancer l'idée du progrès humain.
Avec ce Grenelle de l'environnement, pour lequel la société française est prête à se mobiliser, vous pouvez envoyer un signal fort, poser les premiers fondements d'un nouveau chemin, jeter les bases d'une métamorphose de la civilisation. Faisons ensemble ce saut qualitatif !
Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, vous n'êtes pas seuls ! La société a compris, nos enfants nous regardent. Les débats qui ont préparé ce Grenelle au sein des groupes de travail, d'une qualité remarquable, montrent que toutes les forces vives de la société portent le même diagnostic sur la gravité de la crise écologique.
Chacun sait bien désormais que la continuité d'un mode de développement destructeur des équilibres et des ressources naturelles conduit au chaos social et au déclin. Bien sûr, les intérêts des uns et des autres ne sont pas identiques, bien sûr, les responsabilités ne sont pas égales entre tous les citoyens et tous les secteurs d'activité, bien sûr, les remèdes proposés ne font pas l'unanimité. Mais tout le monde s'écoute et se parle. Cette prise de conscience commune et cette effervescence constituent une pâte qui ne demande qu'à lever.
En France comme ailleurs, tout retard supplémentaire dans la prise en compte écologique et climatique aura un prix exorbitant. Les coûts d'adaptation ou d'atténuation seront de plus en plus élevés. Les économies les plus prospères sont celles qui ont la flexibilité et le dynamisme pour anticiper le changement.
Un changement qui, il faut le marteler, s'imposera de toute façon. Les pays qui accéléreront la transition vers une économie moins carbonée et plus économe des ressources se doteront d'atouts compétitifs et s'ouvriront de nouvelles possibilités de développement social et de progrès humain.
Un vaste éventail nouveau d'industries, de services, de biens et d'emplois s'ouvrira. L'innovation offrira des bénéfices qui, à terme, compenseront largement les coûts de mutation. Et la vie de chacun s'en trouvera améliorée.
SIX DIRECTIONS
MM. Borloo et Sarkozy, sans en rajouter, le monde nous observe. L'échec ou le succès du Grenelle seront déterminants. Si la France
D'autres pays et non des moindres sont attentifs à cet exercice de démocratie et de mobilisation collective inédit. Le Grenelle français pourrait se disséminer positivement demain sur la base de son résultat, et vous pourrez porter cette orientation sur le continent européen, quand la France
C'est maintenant au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif d'être au rendez-vous ! Au final, le choix appartient au politique. Les mesures pour trouver une issue à la crise sont désormais sur la table du Grenelle. Nous en discuterons fin octobre. Elles ne suffiront évidemment pas à épuiser la question mais elles sont significatives. Elles indiquent une autre direction que celle qui nous envoie tous au mur.
Avec ma fondation, j'en propose six qui me paraissent prioritaires et structurantes. Elles impliquent une autre logique dans des secteurs-clés de l'activité humaine : l'énergie et la fiscalité, l'industrie et la consommation, l'agriculture et l'alimentation, la nature et l'urbanisme, les institutions et la démocratie, l'éducation et la culture collective.
Nous en soutenons d'autres, en provenance des autres associations écologistes dont il faut au passage saluer l'immense travail, ainsi que celles des autres collèges des groupes de travail qui vont dans le même sens et les renforcent. A vous messieurs, c'est votre responsabilité, d'en tirer les engagements (précis, chiffrés, datés) qui soient à la hauteur de l'enjeu. L'histoire attend d'être écrite.
Nicolas Hulot est président de la Fondation Nicolas