Refuge exceptionnel de biodiversité, la montagne de Kaw est aujourd’hui menacée par un projet de mine d’or contesté. Le dossier est actuellement gelé dans l’attente du Grenelle de l’environnement.
Zone d’intérêt écologique majeur
A 50 km de Cayenne, la montagne de Kaw constitue un refuge de biodiversité arrosé de 5.000 à 6.000 mm d’eau par an. Elle abrite des espèces endémiques comme le coussarea, petit arbre de la famille du café. Non loin, des marais cachent des caïmans noirs.
C’est au pied de cette montagne que l’industriel CBJ Caïman (filiale d’Iamgold) détient une concession de 30 km² dont il désespère d’exploiter 373 hectares dévolus à sa mine d’or. Las d’attendre, ses trois principaux dirigeants ont quitté la Guyane entre mai et septembre.
"Les opposants au projet méconnaissent la réalité guyanaise, ou pire l’ignorent. Ce pays a un taux de chômage de 30%, une poussée démographique de 3,8% par an, une progression du RMI de 8% par an. CBJ Caïman c’est 560 emplois générés", déclare Adrien Aubin, le président du Medef Guyane.
En fait, peu d’opposants se sont manifestés lorsque des permis exclusifs de recherche ont été accordés sur 7.100 hectares de la montagne en 1995, non plus lorsque la concession minière a été accordée fin 2004 avec la co-signature de Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances et de l’Industrie. Or, c’était la première fois qu’un titre d’exploitation était accordé sur une Znieff de type 1, une zone d’intérêt écologique majeur.
Le projet de CBJ Caïman rejeté
Sous la houlette d’une poignée d’écologistes et d’un riverain du projet exploitant des plantes médicinales, l’opposition finit par s’organiser et parvient à fédérer les élus de gauche. En juillet 2006, la Région Guyane vote une motion unanime contre le projet. En octobre suivant, une mission d’inspection du gouvernement le rejette.
Deux mois plus tard, l’industriel redépose un dossier, avec cette curiosité : CBJ Caïman a élagué une étude complémentaire de l’impact du projet sur la faune et la flore, concocté par un consultant scientifique. La faiblesse de cette étude d’impact était pourtant l’un des points clefs soulevés par les inspecteurs du gouvernement, sur lequel se penchera sans doute la nouvelle mission d’inspection que Jean-Louis Borloo a annoncé, le 18 septembre, à Antoine Karam, le président de Région.
Infractions au code de l’environnement
"Les grands arbres de la montagne de Kaw n’ont pas fait l’objet d’études", admet Bruno Bordenave qui a réalisé un inventaire floristique de la zone financé par l’industriel. Ultime paradoxe, CBJ Caïman est la première société à solliciter tous les permis requis avant d’exploiter l’or en Guyane. "Si l’on refuse CBJ, ça signifie qu’on doit arrêter tous les autres sites miniers de Guyane. Je connais une exploitation qui massacre une montagne où vit une grande colonie de coqs de roche", note cet ingénieur écologue.
Sur la cinquantaine de sites en production, aucun n’a l’autorisation d’exploiter des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). En Guyane, la première inspection ICPE sur un site minier a eu lieu en décembre 2006, presque 30 ans après l’application de la loi. Elle concernait la société Auplata, entrée en Bourse à Paris en décembre 2006 sans permis de construire pour les usines utilisées, ni autorisations ICPE. De nouvelles inspections des deux sites d’Auplata le 19 septembre ont révélé 27 nouvelles infractions au code de l’environnement.
Une "horreur écologique", pour l’inspecteur Pierre Balland L’inspecteur général de l’environnement Pierre Balland, auteur il y a un an avec un inspecteur des mines d’un rapport destiné au gouvernement sur le projet de mine d’or de la montagne de Kaw, revient pour la première fois sur ce dossier gelé dans l’attente du Grenelle de l’environnement. Que vous inspire le projet de mine d’or de la montagne de Kaw ? Que reprochiez-vous au projet ? Quel est votre avis sur l’utilisation du procédé au cyanure pour récupérer l’or ? Je me souviens des gars de CBJ Caïman : quand ils me montraient leurs carottages dans le roche à Kaw, j’ai vu les paillettes d’or et leurs yeux qui brillaient pareils. Ils disent avoir identifié 35 tonnes d’or de réserves. A 16 000 euros le kilo, faites le calcul. S’ils obtiennent l’autorisation d’exploiter, ce sera la ruée vers l’or. Comment les empêcher, par la suite, d’exploiter le reste de leur concession de 30 km² ou d’autres permis miniers qu’ils possèdent dans les environs ? La montagne de Kaw sera massacrée. Qu’attendez-vous du Grenelle de l’environnement ? Propos recueillis par Frédéric Farine (AFP) |