Le Parlement européen a adopté deux textes de limitation. L’usage des pesticides et leur mise sur le marché seront limités. Une agriculture plus propre se dessine.
Interdiction des épandages aériens, dans les parcs ou les écoles, usage limité dans le temps des produits à risques, substitution obligatoire par des matières moins nocives, traçabilité des produits, limitation, ou interdiction à proximité des zones urbanisées… C’est une mini-révolution que s’apprête à vivre le monde agricole au cours de la prochaine décennie. Du moins si l’Union européenne confirme, dans les semaines à venir, les deux textes clefs du « paquet pesticides » adopté ce mardi en première lecture par une large majorité au Parlement européen.
Visant d’une part la mise sur le marché des produits et d’autre part leur usage, les deux projets de modification de réglementation ont été soumis ces dernières semaines à d’intenses pressions. Soucieux de protéger leur industrie, les députés allemands ont déposé de nombreux amendements. Mais, selon l’eurodéputée belge Frédérique Ries (MR), les grandes lignes du texte demeurent intactes.
« C’est une satisfaction en forme de ouf de soulagement, concède-t-elle. Même si je ne crie pas victoire, je constate que nous avons inclus l’environnement dans la base juridique du texte. J’ai un regret, c’est que le principe de précaution n’a pas été assez souligné. Mais le vote est sans doute moins ambitieux qu’en commission. Le deuxième texte donne hélas peu de perspectives de ce que devrait être l’agriculture intégrée au XXIe siècle… »
Alors que la proposition de la Commission entendait créer trois zones géographiques (nord, centre et sud) pour la mise sur le marché, le Parlement européen s’est prononcé contre ce principe, privilégiant un système unique de reconnaissance des produits en Europe.
Face aux risques sanitaires (cancers, perturbations hormonales, problèmes de fertilité…) et environnementaux (pollution des nappes phréatiques, diminution de la diversité biologique) engendrés par certaines « matières actives », le Parlement a décidé d’abaisser à cinq ans l’autorisation des produits les plus toxiques, en attendant leur substitution obligatoire. De même, les entreprises phytosanitaires devront créer un fonds pour couvrir le coût de l’élimination des stocks. La traçabilité des produits devra également être assurée.
« Si la limitation est drastique, cela pénalisera l’industrie »
Du côté de l’industrie des produits phytopharmaceutiques, on demeurait prudent, ce mardi, en attendant de prendre connaissance des textes votés et des amendements acceptés : « Si la limitation est faite de manière drastique, cela pénalisera l’industrie, concède Geneviève Detiège, secrétaire générale de Phytofar, la fédération belge du secteur. Le principe de substitution appliqué de manière pure et dure est inacceptable. Cela devra être scientifiquement démontré. »
Défendant une « agriculture raisonnée » qui limite l’utilisation au maximum, le secteur estime que les pesticides demeurent un mal nécessaire.
Du côté des associations environnementales, le ton était balancé ce mardi : « C’est plutôt mi chèvre, mi-chou, commente François Veillerette (1), administrateur du réseau européen contre les pesticides (Pan). Les objectifs de réduction devront être fixés dans les plans nationaux, or nous espérions que cela se fasse au niveau communautaire. De même, on aurait souhaité que les 50 % des substances le plus dangereuses soient interdites. Mais ces décisions ouvrent enfin des perspectives… »
(1) François Veillerette, « Pesticides, révélations sur un scandale français », Fayard.