L'Agence de l'eau du Rhône et de la Méditerranée était au courant au moins depuis vingt ans de la présence anormalement élevée de pyralène (ou PCB) dans les eaux du Rhône, selon une analyse de cet établissement public datée d'avril 1986, publiée par le site du Nouvel observateur mercredi 10 octobre.
Pour Alain Chabrolle, qui suit le dossier PCB au sein de l'association France Nature Environnement, cet état de fait est tout sauf une surprise. "Voilà vingt ans que nous tentons d'alerter sur ce dossier, donc nous savons très bien que plusieurs administrations ont réalisé depuis longtemps des mesures de la pollution aux PCB dans le Rhône", lance-t-il. Il cite par exemple un courrier transmis par la direction des affaires sanitaires et sociales (DASS) à l'agence de l'eau en décembre 1986, réclamant une analyse des concentrations sur la totalité du bassin du Rhône. Ou encore un texte du Centre international de lutte contre le cancer, installé à Lyon, qui demandait aux pouvoirs publics de faire en sorte de réduire "au minimum" ces concentrations constatées.
DEMANDE D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE
Alain Chabrolle poursuit : "La DASS, la direction régionale de l'environnement, le service de la navigation, tout le monde détenait un bout de la vérité. Le problème, c'est que jamais personne n'a pris ce dossier à bras-le-corps. Il faut maintenant tirer toutes les conséquences de cet aveuglement."
Deux députés socialistes, Jean-Jack Queyranne (Rhône) et Michel Vauzelle (Bouches-du-Rhône), ont annoncé mardi qu'ils demandaient la constitution d'une enquête parlementaire sur les causes et les conséquences de la pollution du Rhône par les PCB. Plusieurs plaintes contre X ont par ailleurs été déposées au cours des dernières semaines. Depuis le mois d'août, il est interdit de consommer les poissons pêchés dans le Rhône, mais pas dans la Seine ou dans d'autres rivières polluées.
Essentiellement présents autrefois dans les transformateurs, condensateurs, certaines encres ou adhésifs, les PCB ne sont plus produits depuis 1979 et les appareils qui en contiennent sont interdits à la vente depuis 1987. Cependant subsiste une pollution d'origine "historique", qui s'accumule en priorité dans les sédiments et la chair des poissons gras.
La Picardie, l'Ile-de-France et la Normandie touchées
Le Rhône n'est pas le seul fleuve concerné. Deux autres bassins fluviaux, ceux de l'Artois-Picardie et de Seine-Normandie, sont touchés par la pollution aux PCB, selon un état des lieux que doit présenter le 10 octobre la secrétaire d'Etat à l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet, au cours de la première réunion d'un comité de pilotage de la pollution aux PCB dans le Rhône. Les prélèvements effectués dans les sédiments montrent en particulier"une très forte contamination des mollusques dans l'estuaire de la Seine", d'après cette étude. Les mesures effectuées par les réseaux de suivi dans les fleuves et rivières montrent que sur 852 sites analysés, près de 40 % montrent la présence de PCB, parmi lesquels 10 % (87 sites) présentent une forte contamination, de 140 à 400 microgrammes et plus par kilo. Un taux de PCB inférieur à 10 microgrammes/kg (sur 586 sites) est considéré comme négligeable.
Matthieu Auzanneau