Nous cultivons trop une image misérabiliste, défaitiste de l'Afrique. Un économiste béninois confiait, récemment, que la France « a besoin, pour se rassurer, de penser que l'Afrique ne va pas bien ». Pendant ce temps, nous ne voyons pas que l'Afrique et le Maghreb connaissent un véritable boom économique qui pourrait avoir des conséquences sur la question de l'immigration.
Par Jean-Michel Djian, Professeur associé à l'université de Paris VIII
Bien sûr, on ne dira pas pour autant que les pays africains sont tirés d'affaire. Les démocraties sont à la traîne et les élites peu soucieuses de s'y fixer, mais le fait est que, dans les pays de la zone franc, les déficits publics représentent moins de 3 % du produit intérieur brut et l'inflation y est quasiment inexistante. C'est le FMI qui le dit. Au Sénégal, au Mali ou au Burkina Faso, des efforts sérieux sont, malgré la corruption persistante, réalisés pour mettre en ordre les économies et attirer des capitaux étrangers. La diaspora africaine, toujours plus généreuse, nourrit, dans tous les sens du mot, les épargnes familiales locales, active la solidarité. Si bien que l'Afrique, malgré le contexte climatique et éducatif calamiteux, non seulement survit mais dessine un type de développement particulier qu'il ne sert à rien d'ignorer. Les Chinois et les Indiens ne s'y trompent pas d'ailleurs, qui investissent à tour de bras. Quelle attitude adopter dans un tel contexte ? Deux choses. La première, rompre avec un type de « coopération » basé sur la supériorité supposée de nos schémas. Puisque la notion de « diversité culturelle » est une réalité, appliquons-la dans un domaine où nous prêtons moins le flanc à la critique : la culture. Le gouvernement vient de décider, à travers l'initiative « Génération Afrique », de relancer la coopération artistique, en donnant la possibilité matérielle à de jeunes talents africains d'être parrainés par des artistes chevronnés du Nord comme du Sud. C'est simple, concret, dépourvu d'ambiguïté, dans la mesure où les acteurs du projet sont tous volontaires et déterminés Un autre objectif devrait être d'« européaniser » définitivement nos relations avec l'Afrique, comme cela a déjà timidement commencé. C'est la manière de nous affranchir de ce qui continue, malgré tout, d'être une « chasse gardée » historique, mais surtout de permettre aux dirigeants d'une Union africaine encore timide de dialoguer autrement avec une instance à sa mesure : l'Union européenne. Car non seulement les contraintes de la mondialisation des échanges les obligera à travailler ensemble, mais la montée en puissance de la question migratoire va nécessiter une réflexion nouvelle, au-delà de notre pays. Les nations africaines ne veulent plus brader leurs ressources humaines et naturelles. En revanche, elles sont prêtes à ouvrir leurs marchés à des partenaires justes. Le partenariat que négocie actuellement l'Union européenne avec les régions d'Afrique et du Pacifique vise justement à établir de nouvelles relations avec ces pays.