Le Quai d’Orsay n’a jamais prévenu le ministère de la Défense du comportement suspect de l’Arche de Zoé. Selon un article de jean-Domonique Merchet, paru ce jour dans Libération, le cabinet de Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, a bien averti six ministères, mais, curieusement, pas celui de la Défense, pourtant responsable des 1 100 militaires français présents au Tchad et des avions qui ont transporté les membres de l’ONG.
JEAN-DOMINIQUE MERCHET
Aucun courrier. «On a beau chercher, on n’a rien…» assure-t-on dans l’entourage du ministre Hervé Morin. «C’est vrai», confirme-t-on au Quai d’Orsay, où l’on reconnaît qu’aucun courrier et aucune note n’a été envoyé aux militaires. En revanche, le 1er août et le 27 septembre, des mises en garde ont été adressées aux ministères de l’Education, de l’Immigration, de l’Intérieur, de la Santé, des Affaires sociales et de la Justice. «On n’a contacté que les ministères qu’il nous semblait nécessaire d’informer. Il s’agissait de prévenir les familles [susceptibles d’adopter des enfants, ndlr] de l’illégalité de cette opération, par l’intermédiaire des services déconcentrés de ces ministères», indique le secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme, qui dépend du ministère des Affaires étrangères.
L’affaire de l’Arche de Zoé avait toutefois été évoquée, parmi d’autres sujets, lors d’une réunion de l’ensemble des directeurs de cabinet, le 23 juillet à Matignon. L’information n’a pas été répercutée à ses services par André Viau, le directeur de cabinet d’Hervé Morin. Aucune réunion spécifique sur cette question n’a réuni les Affaires étrangères et la Défense.
Au Tchad, l’ambassade de France n’a été prévenue que le 27 septembre, reconnaît-on au secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme. «Jusqu’alors, nous pensions que l’opération concernait le Darfour, donc le Soudan. Notre ambassade de Khartoum avait été alertée», précise-t-on.
Avertie le 27 septembre, l’ambassade à N’Djamena n’a donc pas pu intervenir auprès des militaires français de l’opération Epervier. A deux reprises, le 21 août et le 19 septembre, les aviateurs avaient alors déjà transporté des membres de l’Arche de Zoé – présents et accrédités au Tchad sous le nom de Children Rescue. Deux vols en Transall entre N’Djamena et Abéché, où l’ONG installait son centre d’accueil pour les enfants. A Abéché, les militaires ont continué à avoir des relations avec Children Rescue. C’est, par exemple, l’armée française qui reçoit le courrier destiné aux ONG. «On ne flique pas les humanitaires», explique un officier supérieur. L’armée assure n’avoir fait remonter à Paris aucune information sur Children Rescue-l’Arche de Zoé, en particulier à la Direction du renseignement militaire. Pour informer le ministère de la Défense, il aurait sans doute mieux valu qu’elle le fasse.
Mission d’enquête. A la demande du Premier ministre, François Fillon, une mission d’enquête se rend ce week-end au Tchad pour tenter d’éclaircir cette affaire. Elle est composée de l’inspecteur général des Affaires étrangères, Daniel Lequertier, et du général Patrick Paimbault, inspecteur des forces en opération. Dans l’avion pour N’Djamena, les deux hommes pourront se parler. Plus en tout cas que leurs ministères respectifs.