Vocation.Voilà pour les éléments biographiques, mais sa musique, dont le premier CD est sorti il ya deux semaines, est aussi très éloignée du répertoire des trois sus-cités. Asa n’a pas la dextérité du guitariste Keziah, mais compose sur sa guitare – dont elle joue depuis quatre ans – de jolies balades, entre celles de Tracy Chapman et les joyeuses comptines de Bobby Mc Ferrin.
Sa voix profonde, feutrée, est moins mélancolique que celle d’Ayo, moins en colère que celle de la rappeuse Nneka. Une voix qui l’a un peu complexée le temps de se faire une place dans la chorale de son église à Lagos : «Je n’avais jamais l’occasion de tenir le micro, j’en pleurais, raconte-t-elle. Les gens pensaient que j’avais une voix bizarre. J’avais un timbre grave, et eux avaient besoin de soprano. Et puis, il y avait beaucoup de politique là-dedans, ils préféraient donner le micro à la fille d’un notable.»
Après avoir vécu six ans en France – elle ne garde aucun souvenir de la langue de Molière – deux ans après la naissance de leur fille cadette, ses parents rentrent au Nigeria et vivent de petits boulots pour nourrir leurs trois enfants. Sa mère est commerçante, son père filme les mariages. «C’est en le voyant synchroniser de la musique pour ses vidéos que, très jeune, je me suis habituée à écouter du Fela, du Marvin Gaye. Je regardais les pochettes, les histoires qu’il y avait dessus.» A huit ans, lors d’un concert pour Noël, juchée sur les épaules de son père, elle aperçoit Fela, mythe national.
Sa vocation naît de là : «De son vivant, se rappelle la jeune rasta, Fela n’était pas très bien vu à Lagos, on le considérait comme un rebelle. Le fait qu’on parlait mal de lui dans mon entourage m’a conduite à m’y intéresser. Personne ne voulait être associé ouvertement à Fela, même si secrètement tout le monde l’admirait. De le voir devant des milliers de gens, ça m’a rendu triste bizarrement, parce que moi aussi je voulais être sur scène, être quelqu’un comme lui.» La gamine s’accroche à son rêve : «J’ai l’impression d’avoir été sur scène toute ma vie, assure-t-elle. U ne scène imaginaire. Je me faisais des spectacles dans ma chambre, devant mon public. Je donnais beaucoup d’interviews. Là, je pouvais parler à mes interlocuteurs avec confiance, assurance. Dans la vraie vie, tout le monde se moquait de moi. Il faut dire que j’étais un peu bizarre. Je parlais toute seule, j’imaginais qu’une boîte devant moi était un journaliste, et on avait une conversation, on parlait des problèmes du monde…»
Faucon. Après deux ans de fac et six mois dans une école de musique, la jeune femme joue dans les rues, reprend Fela, Bob Marley, Marvin Gaye à la guitare, puis envoie une démo au centre culturel français de Lagos, et décroche une bourse. Asa, son nom d’artiste, – faucon en yoruba – elle le doit à un vieil homme qui l’a surnommée ainsi après une de ses fugues : «Je changeais de direction aussi vite qu’un faucon», s’amuse-t-elle.
Comme elle le chante dans Fire On The Mountain, Asa reste concernée par la situation de son pays : «Je ne peux pas prêcher pour le changement dans mon pays, et vivre loin de lui. Je me sens très chanceuse d’avoir enregistré ce disque ici, mais je ne veux pas être une âme perdue à Paris. C’est bon de voyager, mais pour en profiter il faut savoir rentrer chez soi et s’occuper de sa propre maison. Mon inspiration, ce sont mes racines.»