L’entreprise étant juste en train de relever la tête après des années difficiles, elle se serait bien passée de l’accusation de faire travailler des enfants pour Gap Kids, sa ligne de vêtements pour petits.
Le groupe, basé à San Francisco, a très vite réagi dimanche, anticipant une réaction de Wall Street hier. Quelques heures après la publication de l’enquête de The Observer à Londres, sa présidente pour l’Amérique du Nord, Marka Hansen, a assuré que la fabrication des vêtements concernés était arrêtée et que les produits ne seraient pas vendus. Il s’agit d’une «très petite portion» d’une commande de chemises brodées de perles, destinées aux petites filles, qui a été confié par le fournisseur à un «sous-traitant non autorisé». «Nous interdisons strictement le travail des enfants, a assuré Marka Hansen. Ce n’est pas négociable pour nous, nous sommes très préoccupés et attristés par ces accusations.»
Ces mises en cause ne sont pas nouvelles. Gap a déjà été épinglé dans les années 90 pour avoir eu recours au travail des enfants, mais le groupe a fait de vrais efforts pour redorer son image de marque. Depuis qu’un audit social en 2004 a révélé des cas de travail forcé, travail de mineurs, punitions corporelles et salaires inférieurs, il a rompu ses liens avec 136 fournisseurs et a mis en place un code de conduite stricte. Quelque 90 inspecteurs font des visites impromptues dans les ateliers des sous-traitants à travers le monde. Et l’an dernier, elles ont conduit à résilier les contrats de 23 autres fournisseurs.
«Gap a fait des efforts louables pour nettoyer sa chaîne de production», reconnaît Dennis Greenia, de l’association Co-op America, qui a participé à dénoncer les conditions de travail dans les ateliers de Gap et Nike en Asie. «Mais on touche là aux limites du système : comment vérifier que les sous-traitants des sous-traitants respectent le code de conduite ? Quand vous passez commande en Inde, l’un des pays où le travail des enfants est le plus répandu, c’est une question que vous devez anticiper. Surtout quand vous demandez des délais de livraison de plus en plus courts pour être au plus près de la mode.»
Cette hypocrisie est générale dans l’industrie du prêt-à-porter, dénonce GlobalExchange, un des fers de lance de la campagne «anti-sweatshops». «Si Gap veut vraiment être transparent, qu’il laisse des inspecteurs indépendants visiter ses ateliers, et non ses inspecteurs maison . Ce sera beaucoup plus efficace et les consommateurs seront à quoi s’en tenir», dénonce Deborah Schwartz, une des responsables de l’ONG, qui habite Portland dans l’Oregon. Ville qui vient de passer une loi interdisant aux services municipaux d’acheter des uniformes dans les «sweatshops» asiatiques.