Les neiges du Kilimandjaro auront fondu au plus tard en 2020, le centre historique de Venise sera submergé et certaines îles des Maldives englouties par les flots: le réchauffement climatique fait planer sur le tourisme le spectre d'un scénario catastrophe.
Mais le secteur en est aussi en partie responsable et risque de courir à sa perte s'il ne limite pas les effets dévastateurs des voyages de masse sur la planète, ont prévenu les experts de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) réunis jusqu'à jeudi à Carthagène (Colombie).
Un débat qui agite le secteur alors que les flux de voyageurs ne cessent d'augmenter: 846 millions de touristes ont sillonné la planète en 2006, dont 45% en avion, et l'OMT prévoit 1,1 milliard de visiteurs internationaux en 2010 et 1,6 milliard en 2020. En outre, il y a bien plus de touristes voyageant dans leur pays de résidence qu'à l'étranger. Tourisme international et tourisme interne confondus, le nombre de vacanciers aura dépassé les 5 milliards l'an dernier, estime l'OMT.
En effet, selon l’OMT, certains lieux hautement touristiques auront bientôt disparu et les touristes ne pourront plus s’y rendre en vacances. Mais ces mêmes touristes sont également coupables de détruire ces lieux puisque les émissions de gaz à effet de serre qu’ils produisent représentent un peu moins de 5 % du total mondial, soit 1,3 milliard de tonnes par an.
L’OMT prévient que la croissance démesurée du secteur touristique pourrait conduire à une augmentation de 150 % des émissions de gaz dans les 30 prochaines années
"Les destinations touristiques qui ne mettent pas en œuvre une stratégie de développement respectueux de l'environnement seront pénalisées par le marché", a prévenu le secrétaire général de l'OMT, Francesco Frangialli. Le sujet lui tient particulièrement à cœur: adjoint au maire de Morzine-Avoriaz dans les Alpes françaises, il a vu fondre l'enneigement de la station.
Si dans les années 70, elle recevait 13 à 14 mètres de neige en cumulé tout au long de l'hiver, cette moyenne n'est plus que de 6 à 7 mètres. Les émissions de gaz à effet de serre du tourisme international représentent un peu moins de 5% du total mondial, soit 1,3 milliard de tonnes par an, selon une étude conjointe de l'OMT, du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et de l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre engendrées par le tourisme proviennent des transports.
La palme revient aux voyages en avion (40%), suivis du transport routier (32%), alors que l'hébergement compte pour 21% des émissions. Les grands hôtels, souvent équipés de restaurants, bars, piscines ou de spas, sont à l'origine de davantage d'émissions que les pensions de famille, les appartements de location ou les campings. La croissance vertigineuse du secteur pourrait conduire à une augmentation de 150% de ses émissions de gaz dans les 30 prochaines années, selon les experts de l'OMT. Pour Geoffrey Lipman, sous-secrétaire général de lOMT, il ne fait pas de doute que le réchauffement climatique est devenu le défi numéro un du secteur: "nous devons changer radicalement nos habitudes pour rendre l'industrie touristique plus propre".
A quelques jours d'une conférence cruciale de l'ONU sur le climat à Bali (Indonésie), les délégués tentaient mercredi de dégager une position commune visant à appuyer la nécessité de réduire les émissions de gaz sans pour autant freiner le développement du tourisme dans les pays émergents. Car les pays en développement ont clairement indiqué qu'ils ne voulaient pas faire les frais d'une politique de limitation des effets d'une pollution dont ils ne se sentent guère responsables. "60 ans après son indépendance, ce n'est que maintenant que l'Inde commence à développer pleinement son potentiel touristique. Il serait injuste de nous faire payer le prix de la pollution", a estimé la ministre indienne du Tourisme, Ambika Soni.