A peine plus de deux ans après les émeutes en banlieue, habitants et élus s'impatientent de ne pas voir tenues les promesses du plan Borloo de rénovation urbaine tandis que le nouveau "plan banlieue" promis par Nicolas Sarkozy tarde à prendre forme.
Après deux nuits d'affrontements à Villers-le-Bel, François Pupponi, maire (PS) de Sarcelles, commune voisine du Val-d'Oise, où les violences ont fait tache d'huile, a dénoncé le 27 novembre "la crise sociale qui s'est aggravée". "Rien n'a vraiment changé", constatent les acteurs sur le terrain, notamment en matière d'emploi, le taux de chômage dans les zones sensibles restant souvent le double de celui des autres zones urbaines.
"On le dit depuis des années", ajoute François Pupponi, on a toujours su que le moindre incident dramatique pouvait faire embraser les choses".
Pour le maire de cette commune qui compte 70% de logements sociaux, la politique de rénovation urbaine engagée par Jean-Louis Borloo à travers les programmes de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) "pourra porter ses fruits à moyen et à long terme, mais pas maintenant".
"Aujourd'hui, l'Anru détruit plus qu'elle ne reconstruit", explique-t-il en citant le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus). "On ne reconstruit pas la même chose et", ajoute-t-il, "quand des F3 remplacent des F5, on fait partir les grandes familles en difficulté et on augmente considérablement la tension dans les quartiers".
"L'Anru, accuse-t-il, participe à une sorte d'épuration sociale".
"En outre, constate-t-il, dans les quartiers rénovés, les loyers flambent et la population pauvre part, donc globalement si le résultat final de la rénovation urbaine c'est de faire partir les pauvres des quartiers populaires, c'est une honte".
Stéphane Gatignon, maire (PCF) de Sevran (Seine-Saint-Denis), fait lui aussi part de son "inquiétude". "Il y a désengagement de l'Etat, y compris sur les chantiers de l'Anru. Nous qui avons 3 quartiers prioritaires en réhabilitation urbaine, il y a 300.000 euros de retard de paiement, dit-il. Borloo a fait des choses bien mais aujourd'hui, la politique de la ville parait remise en cause".
Le constat des élus de banlieue est quasi unanime. Fin octobre, les maires de l'association Ville et Banlieue, qui compte 120 maires de tous bords politiques, avaient dénoncé le fait que "les banlieues sont absentes de toutes les priorités affichées par le gouvernement pour relancer le développement sur des bases nouvelles : qu'il s'agisse du Grenelle de l'Environnement, du projet de loi de finances 2008 ou des propositions de la commission Attali pour la relance de la croissance".
De même, après un an à peine d'activité, l'action de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), censée être le pendant économique et social de l'Anru, est très peu perçue. Pourtant, 2.200 quartiers bénéficient de nouvelles aides, le programme de réussite éducative -avec une dotation de 98 millions d'euros- touche déjà près de 100.000 enfants et près de 140 ateliers-santé sont établis sur 300 zones urbaines sensibles (ZUS).
Pour accentuer l'effort en faveur des "quartiers", Nicolas Sarkozy avait promis, pendant sa campagne, un "plan Marshall" des banlieues.
Mais Fadela Amara, sortie du monde associatif pour devenir secrétaire d'Etat à la politique de la Ville, plus de six mois après sa nomination, en est encore à la phase "concertation" d'un plan qui tarde à venir.
Ce nouveau "plan banlieue" devrait pourtant voir le jour début janvier et se développer sur trois axes : éducation, désenclavement des quartiers et emploi des jeunes.
Pour aller plus loin, téléchargez :
- Le rapport 2007 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus)
- ou sa synthèse
- Le communiqué de presse de l’association «Ville et Banlieue» du 29 octobre, «Pourquoi un ‘plan banlieues’ ne suffit pas»