Tel est le titre du rapport que les sénateurs Claude Saunier et Pierre Lafitte viennent de publier pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ils préconisent une dizaines de solutions pour "aller plus loin que le Grenelle", d'urgence, car le rythme de disparition des espèces est 10 à 100 fois plus rapide qu’avant la révolution industrielle. A consulter d’urgence sur le site du Sénat, leur rapport en PDF (cliquez ICI).
Le jour où l’abeille disparaîtra, l’homme n’aura plus que quatre années à vivre", prophétisait Albert Einstein au mitan du XXe siècle. Le savant était pourtant loin de s’imaginer le déclin qui frapperait les ouvrières de la nature à l’aube du siècle suivant. Pourtant, les faits sont là, implacables: depuis quelques années, le nombre des insectes pollinisateurs est en chute libre dans pratiquement tous les pays du monde, emblématique de la crise qui frappe la biodiversité. Moins médiatisée que le problème du réchauffement climatique, cette crise qui frappe nos écosystèmes n’en est pas moins alarmante. Et c’est justement pour tirer la sonnette d’alarme que deux sénateurs, Claude Saunier (PS) et Pierre Lafitte (RDS), viennent de publier un volumineux rapport pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Son titre : "Biodiversité, l’autre choc". Tout un programme.
Quand la nature arrêtera de nous rendre service
Ces deux parlementaires avaient fait parler deux en 2006, à l’occasion de la publication d’un précédent opus -remarquable- consacré au réchauffement climatique. C’est au cours de cette première enquête qu’ils avaient fait le constat de cette autre menace, plus insidieuse et diffuse, mais non moins sérieuse. Partant du constat qu’aujourd’hui, le rythme de disparition des espèces est 10 à 100 fois plus rapide qu’avant la révolution industrielle, ils s’inquiètent des prévisions des scientifiques, tablant désormais sur une accélération multipliant ce tempo par dix au cours de ce siècle. Des pans entiers de nature sont en train de mourir discrètement, menaçant nos modes de vie.
Car qui dit biodiversité dit services rendus gratuitement par notre environnement: l’océan nous approvisionne en poisson, la forêt purifie notre air, les abeilles pollinisent nos cultures, les sols nettoient notre eau, etc. On pressent aussi que la biodiversité recèle des milliers, voire des millions, de molécules encore inconnues, dont on ignore les vertus. Certaines d’entre elles seront vraisemblablement à même de guérir des maladies graves. Par ailleurs, l’observation de l'ingéniosité sans limite de la nature constitue une réserve quasi inépuisable de solutions chimiques et technologiques, largement éprouvées par une sélection naturelle impitoyable. Ainsi, on met actuellement au point un matériau d’une résistance hors du commun en observant simplement la manière dont sont structurées les coquilles d’ormeau ; on a inventé un ruban adhésif très collant et repositionnable quasiment à l’infini en imitant la surface des pattes d’une sorte de lézard, le gecko ; on est en train d’élaborer des agro-carburants de deuxième génération en étudiant la manière dont les termites, grâce à une bactérie, digèrent la cellulose du bois pour la transformer en sucre.
Or, expliquent Lafitte et Saunier, nous détruisons à petit feu cette matrice et cette usine du vivant. Le réchauffement climatique, mais aussi la déforestation, l’urbanisation, la pollution, l’emprise agricole la font disparaître chaque jour un peu plus. Pour enrayer cet engrenage fatal, aux conséquences humaines et financières incalculables, Saunier et Lafitte préconisent une dizaines de solutions pour "aller plus loin que le Grenelle". Parmi celles-ci, ils préconisent d’intégrer les services rendus par les écosystèmes dans le calcul économique, d’adapter la fiscalité à la valorisation de la nature en incitant les contribuables à préserver leur environnement et en pénalisant les pollueurs, de lancer un programme de redensification urbaine pour stopper l’emprise galopante de l’homme sur la nature (160 hectares "sauvages" perdus chaque jour en France) ou de réformer le contrat social avec le monde agricole. A consulter d’urgence sur le site du Sénat, leur rapport en PDF (cliquez ICI).
Marion Festraets